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conclusion

Oh ! vont dire nos gens, de grâce, taisez-vous ! Vous allez exciter davantage les fanatiques et les faire crier plus fort ! — Plus fort ?… Croyez-vous ?… Alors, tant mieux ! ils vont s’égosiller complètement ; après quoi, ils nous ficheront la paix.


Conclusion


La race française et la race anglaise ayant été les deux premières races civilisées qui se soient établies sur le territoire du Canada et y étant demeurées, chacune assez nombreuse, pour que ni l’une ni l’autre ne puisse raisonnablement espérer de pouvoir absorber l’autre, la raison et le bon sens leur commandent de tâcher de vivre en paix, l’une à côté de l’autre. Et puisque, par le fait de ces deux groupes principaux de la population, le Canada est forcément une nation bilingue et que de plus, son bilinguisme de fait est officiellement reconnu, dans l’Acte constitutionnel de la Confédération canadienne, il n’y a qu’à reconnaître ce fait et à l’accepter loyalement, avec toutes ses conséquences. D’autant plus que le bilinguisme est absolument nécessaire à l’indépendance du Canada.

L’annexion aux États-Unis par absorption : voilà le grand, le seul danger réel du Canada ; et le maintien du parler français dans toutes les provinces est seul capable de le prévenir. Voilà un argument dont les défenseurs de la langue française ne se servent pas assez souvent. L’expérience m’a montré que c’est à peu près le seul qui fasse impression sur les Anglais. Mais je vous assure qu’il les impressionne fortement, lorsqu’il leur est bien exposé. Or, on ne s’en sert presque pas.

Sans doute que cet argument, pas plus que les autres, ne fera impression sur le groupe orangiste, composé de gens trop fanatiques et pas assez intelligents pour comprendre un argument quelconque, qui ne cadre pas avec leurs préjugés ; ni sur le groupe des Irlando-francophobes, qui, mus par l’envie, la jalousie et la rancune des bienfaits reçus, sont bien trop dépourvus de bonne foi pour vouloir admettre la réalité du danger américain, dont, mieux que personne, ils connaissent cependant l’existence.