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LES LANGUES ET LES NATIONALITÉS AU CANADA

Le vote de l’Ouest aux dernières élections fédérales n’a-t-il rien dit à nos gouvernants ? Se sont-ils imaginés que c’était pour les beaux yeux de Laurier que les colons de l’Ouest avaient donné une si forte majorité à la politique de réciprocité ?

Parmi les anglophones du Canada, beaucoup viennent des États-Unis. Et, il n’y a pas à se faire illusion : tous ceux-là sont restés Américains de cœur ; ils ne soupirent qu’après l’entrée du Canada dans l’Union américaine… Il serait peut-être imprudent de leur adjoindre tous les étrangers.

Et les Irlandais ? — Pour obtenir de bonnes jobs, et avoir le droit d’embêter les Canadiens-français, ils crient leur loyalisme bien fort… aussi longtemps qu’ils restent de ce côté-ci des lignes. Mais, comme chaque fois qu’il leur arrive de franchir la 45e, ils entonnent une antienne toute différente, je crois qu’il faudrait être bien naïf pour s’imaginer que l’annexion du Canada aux États-Unis les ferait mourir de désespoir.

Quant aux Anglais proprement dits, ceux qui sont nés en Angleterre sont certainement loyaux à la couronne et je les crois capables de se résoudre à de pénibles sacrifices pour garder leur allégeance à l’Angleterre. — Quant à ceux qui sont nés au Canada ? ? ? — Ils se proclament, et se croient peut-être, plus «  loyaux » que tous les autres. Mais, de fait, d’ores et déjà, ils sont beaucoup plus Américains qu’Anglais. Les mœurs de l’Ontario et des provinces de l’Ouest sont américaines ; les usages sociaux sont tous américains ; les idées sont les idées américaines ; les législations provinciales sont calquées sur celles des États de l’Union, beaucoup plus que sur la législation anglaise ; le Toronto lingo n’est qu’un jargon américain, qui sonne plus étrangement dans les rues de Londres que le Quebec patois dans les rues de Paris.

L’impérialisme de ces gens-là, et leur furieux loyalisme, ne me rassurent qu’à moitié. Car, je me rappelle que Georges Washington et ses lieutenants étaient d’aussi fanatiques Britishers, quelques mois avant de se révolter contre l’Angleterre pour ne pas payer des taxes dont l’«  Empire » avait cependant bien besoin dans le moment. Aussi je ne crois pas faire de jugement téméraire en croyant que, le jour où l’an-