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IV
préface


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Autre réserve, corollaire de la précédente.

L’auteur attribue aux Bostonnais, c’est-à-dire aux émigrés de la nouvelle république américaine, — les United Empire Loyalistsla paternité presque exclusive du sectarisme anti-français qui sévit aujourd’hui, ou plutôt qui a toujours sévi dans le Canada anglais. Est-ce absolument juste ?

Les premiers ennemis de la langue française et du catholicisme au Canada furent les premiers colons anglais, négociants ou aventuriers venus, les uns d’Angleterre, les autres de la Nouvelle York ou de la Nouvelle Angleterre. Très peu appartenaient à la catégorie des ennemis séculaires de la Nouvelle-France, les Bostonnais. Dès leur arrivée au pays, ils réclamèrent la suppression de la langue et des lois françaises. Murray les appelait des « fanatiques, déréglés. » Leurs réclamations n’en reçurent pas moins l’appui des marchands de Londres et de plusieurs fonctionnaires impériaux. Ils obtinrent le rappel de Carleton, trop bien disposé, à leur gré, pour les papistes français. Sans la révolution américaine, ils auraient eu gain de cause.

Les United Empire Loyalists vinrent ensuite. Ils formaient assurément un groupe très mêlé, composé d’éléments bons, mauvais et médiocres. Mais il ne se trouvait guère parmi eux de Bostonnais. Ceux-ci, au contraire, avaient été les pionniers de la révolution. Lorsque son triomphe fut assuré, ils ne songèrent guère à émigrer. Il ne paraît pas non plus que les U. E. L. aient épousé au début les haines des premiers colons anglo-canadiens contre les Canadiens-français. La preuve, c’est que l’un de leurs premiers mouvements, à la législature du Haut-Canada dont ils étaient les maîtres absolue, fut de reconnaître l’usage officiel de la langue française et d’inviter les Franco-Canadiens à venir coloniser avec eux la province anglaise. C’est l’exacte contre-partie de l’esprit qui se manifeste aujourd’hui dans l’Ontario.

Une autre preuve non moins forte, c’est que dans les provinces maritimes, où les descendants des U. E. L. ont exercé une influence beaucoup plus prolongée que dans le Haut Canada, la poussée antifrançaise et anticatholique a été beaucoup moins marquée. À la Nouvelle-Écosse elle a été presque nulle.