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LES LANGUES ET LES NATIONALITÉS AU CANADA

de trouble entretenu dans tout le pays par cette immigration insensée. — Après ? — Eh bien après ? Après eux, la fin du monde : ils ne s’occupent pas de l’avenir.

Au milieu de l’aveuglement des politiciens, de la cupidité inconsidérée des hommes d’affaires, je crois cependant que, dans toute cette histoire d’immigration, quelques-uns avaient un plan arrêté et poursuivaient un but. C’étaient nos Bostonnais francophobes. Pour la future incorporation des Territoires du Nord-Ouest dans la Confédération, ils ne voulaient plus se trouver en présence d’une majorité française, comme cela leur était arrivé lors de l’incorporation du Manitoba. Il leur parut donc très sage de noyer la population française de ces territoires dans le flot de l’immigration étrangère[1].

Instruits en histoire et en politique générale, comme on l’est généralement dans l’Ontario, la plupart s’imaginaient que partout où l’on ne parle pas français, on parle anglais, et que, en dehors de la France et de la province de Québec, tout le monde est protestant. Ils s’imaginaient donc que ces immigrants qui leur arrivaient des quatre points cardinaux allaient être un précieux renfort pour l’élément anglais protestant du pays. Grand a donc été leur désappointement, en constatant que la plupart de ces immigrés ne sont pas protestants du tout ; qu’ils parlent encore moins anglais que ces affreux Franco-Canadiens et qu’ils n’ont pas d’esprit britannique pour deux sous.

Tout comique que soit leur étonnement, je sympathise bien sincèrement à leur déconvenue. Mais, croient-ils que le

  1. M. Smartt, sous-ministre de l’Intérieur dans le gouvernement dirigé par M. Laurier, a crûment exprimé ce dessein dans une interview à un journal de Liverpool, dont j’oublie le nom. J’en ai donné lecture à la Chambre des Communes.

    J’ai suivi d’assez près, au parlement fédéral, le développement de cette politique d’immigration antifrançaise et anticanadienne pour attester que l’auteur a parfaitement saisi les motifs de ceux qui l’ont inaugurée. Le seul correctif que je serais tenter d’apporter à son analyse porterait sur la classification des motifs. La cupidité est le premier et le principal : un grand nombre de ministres, de sénateurs et de députés sont personnellement intéressés dans toutes les entreprises qui bénéficient de l’importation à outrance du bétail humain. Le motif de francophobie vient ensuite et celui de vaine gloriole, en troisième lieu et bien loin derrière les autres. Si l’auteur lui a donné la première place, c’est que c’est celui que les politiciens ont le plus affiché afin de mieux cacher leurs véritables desseins et séduire le populo par l’apparat des gros chiffres.