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L’OUEST ET LA CONFÉDÉRATION CANADIENNE

officier anglais d’avouer que cette expédition entreprise à si grand fracas était dirigée uniquement contre des fantômes, qui n’existaient que dans l’imagination des fanatiques d’Ontario et des membres du gouvernement canadien.

La vérité, c’est que Riel, chef du gouvernement régulier d’une colonie britannique, garda fidèlement son serment d’allégeance à la reine d’Angleterre et resta sourd aux appels des Américains ; et cela, aux dépens de sa propre sûreté et de celle de ses plus fidèles partisans. Les conseils de Mgr Taché et du R. P. Lestang ne contribuèrent pas peu à le maintenir dans cette fidélité inébranlable à sa souveraine légitime. Ce fut encore sur leurs conseils, que, quand, malgré tout, les Américains voulurent envahir la colonie, il se joignit aux troupes anglaises pour les repousser. Pour l’en remercier, le gouvernement d’Ontario le fit condamner à mort, on se demande vraiment en vertu de quel droit ; et le gouvernement fédéral crut faire preuve de clémence en commuant cette sentence illégale, en sentence d’exil.

Toute l’affaire fut d’ailleurs conduite avec une telle incohérence, que le gouvernement canadien, après avoir renversé, manu militari, le gouvernement régulier du pays, se trouva devant le néant, n’ayant personne avec qui traiter, et incapable par conséquent d’incorporer validement les territoires de l’Ouest. Il fut donc obligé de faire procéder à la constitution d’un nouveau gouvernement provisoire, moins régulier assurément que le précédent, afin de pouvoir traiter avec lui. Les arrangements qui furent faits avec le nouveau gouvernement furent d’ailleurs exactement les mêmes que ceux demandés par Riel et ses partisans. Alors ?… Il aurait peut-être été plus simple de les faire dès le commencement.

Vraiment, Georges Cartier et John Macdonald ont écrit là une page que leurs admirateurs, dont je suis, aimeraient autant ne pas trouver dans l’histoire de leur vie politique. Il est vrai qu’on peut dire, pour leur excuse, qu’ils s’occupaient là de choses dont ils ne connaissaient pas le premier mot. Mais des politiciens aussi avisés auraient peut-être dû s’informer et s’instruire avant d’agir. Et puis, il y eut dans leur conduite de tels manquements à la bonne foi et à la parole donnée, que même l’ignorance crasse ne peut les excuser.