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les langues et les nationalités au canada

réussi dans le cas des Irlandais. Nous croyons que c’est un cas unique dans les annales de l’humanité ; et à ce titre, il est curieux à examiner.

Donc, dans le cours du XIXe siècle, sous la pression de l’administration anglaise, la nation irlandaise, à peu près dans son entier, a abandonné l’usage de sa langue maternelle, pour se servir exclusivement de la langue anglaise. Cette réussite du gouvernement anglais, au point de vue de la langue, a-t-elle été un succès au point de vue de l’affermissement de l’unité nationale, qu’il avait en vue ? Les Irlandais, en se mettant à parler anglais, sont-ils devenus plus attachés à la couronne britannique que les Gallois et les Écossais, qui ont conservé l’usage de leur langue maternelle ? Il me semble qu’il est permis d’avoir quelques doutes à ce sujet. Le gouvernement anglais lui-même ne semble pas très fier de son succès ; puisque quelques Irlandais manifestant actuellement le désir de rapprendre leur vieille langue celtique, il les laisse parfaitement libres de le faire. Il aurait peut-être été plus simple de ne pas les forcer à l’oublier.[1]


Le Canada avant la conquête anglaise


Autrefois, dans ce qui forme aujourd’hui le Canada, des tribus sauvages se promenaient, de l’est à l’ouest et du nord au sud. Leur idéal semble avoir consisté surtout à se piller, à se massacrer et à se détruire mutuellement, autant qu’elles en étaient capables. Avouons tout de suite que ce n’était pas ce qu’on peut imaginer de mieux en fait d’idéal politique et social.

Là dessus, au cours du XVIe siècle, les Français, remontant le Saint-Laurent, débarquèrent à Québec et à Montréal.

  1. L’enseignement de la langue irlandaise a fait d’étonnants progrès depuis deux ou trois ans. Les recherches faites par les patriotes irlandais qui ont organisé cet enseignement démontrent qu’il était resté beaucoup plus d’irlandais parlant la langue nationale qu’on l’avait cru jusque-là. Ces constatations fortifient la thèse de l’auteur. Elles prouvent combien il est difficile de supprimer la langue d’un peuple. Il n’est pas un pays au monde où le conquérant s’est acharné à détruire la langue nationale avec une telle rage, une telle persévérance et un emploi aussi bien combiné de la force brutale et de là ruse.