l’aventure de la Tour de Babel, alors que chaque nation se composait uniquement des membres de la même famille. Mais, je mets en fait qu’il n’y a jamais eu de grande nation, et à plus forte raison de grand empire, dont tous les citoyens parlaient la même langue. Et, parmi les nations modernes, à moins qu’il ne s’agisse de toutes petites nations, et encore… il est impossible d’en trouver une qui soit unilingue.
En France, on parle quatre langues : le français, le breton, le provençal et le basque, sans compter les patois. En Espagne, outre l’espagnol proprement dit, on parle basque dans les Pyrénées, portugais sur la frontière du Portugal ; et je laisse à de plus savants que moi le soin de décider si la langue parlée au fond des Asturies est bien la même que celles qu’on parle en Castille, en Aragon, dans l’Andalousie, etc… En Italie, l’usage du français est officiellement reconnu pour les populations des Alpes. En Autriche-Hongrie, chacun sait qu’il y a au moins sept ou huit langues différentes, toutes aussi officielles les unes que les autres. Dans l’empire russe, je renonce à compter les différentes langues dont on fait usage ; mais je serais bien surpris si l’on venait me dire qu’il y en a moins d’une bonne douzaine. En Allemagne, le gouvernement prussien a fait assez de vains efforts pour étouffer le polonais, le français et le danois pour que tout le monde sache que ces trois langues sont parlées dans certaines parties de l’empire germanique. En ces derniers temps, on a assez parlé de la vaillante et héroïque Belgique pour que les plus ignorants n’ignorent plus que les deux langues officielles de ce petit peuple sont le français et le flamand. Et pour ôter à quelque unilingue l’envie de venir encore nous parler de la langue suisse, j’aime autant dire tout de suite que les trois langues officielles de cette petite république sont : le français, l’allemand et l’italien — auxquels on pourrait ajouter le dialecte romanche conservé intact dans les Grisons.
Mais, ne va pas manquer de dire quelque surhomme d’Ontario, tout ça, ce sont les pays étrangers, « other countries, you know ; that is not England. » Eh bien ! venons-en donc à « England, » ou, pour parler correctement, à l’« United Kingdom » et aux pays anglais limitrophes.