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LES AVENTURES DE TIL ULESPIÈGLE

lorsqu’il avait voulu se relever, Ulespiègle l’en avait empêché, disant qu’il n’avait pas encore assez sué.

Aussitôt levé, Ulespiègle était sorti de la chambre et avait quitté le château. Quand le jour fut venu, le docteur vit contre la muraille la pierre creuse et ce qui était dedans. Il était très malade et avait le visage tout bouleversé par la puanteur. Cependant les chevaliers et les courtisans, qui savaient l’histoire, vinrent lui souhaiter le bonjour. Le docteur avait la voix faible et put à peine leur répondre. Il s’assit dans la salle, sur un banc garni d’un coussin. Les courtisans firent venir là l’évêque, puis ils demandèrent au docteur comment il s’était trouvé du médecin. Le docteur répondit : « J’ai été le jouet d’un mauvais plaisant. Je croyais que c’était un docteur en médecine, et c’est un docteur en malice. » Il leur raconta en entier ce qui s’était passé. L’évêque et les courtisans rirent beaucoup et dirent : « Il est arrivé exactement selon vos paroles. Vous disiez qu’il ne fallait pas se commettre avec des fous, car le sage devenait fou avec les fous. Mais vous voyez qu’on peut bien être mis dedans par un fou, car le médecin était Ulespiègle, que vous n’avez pas reconnu ; vous avez cru à ses paroles et il vous a trompé. Nous, qui l’avions accepté avec sa folie, nous le connaissions bien ; mais nous n’avons pas voulu vous avertir, puisque vous vous croyez si sage. Personne n’est si sage qu’il doive dédaigner de connaître les fous. Si personne n’était fou, à quoi reconnaîtrait-on les