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LES AVENTURES DE TIL ULESPIÈGLE

coucher, on mit le prêtre et Ulespiègle dans la même chambre, et l’on donna à chacun un lit proprement dressé, où ils se couchèrent. Le matin, le prêtre se leva de bonne heure, fit sa prière, paya l’hôte et s’en alla. Ulespiègle resta couché jusqu’à près de neuf heures, et fit ses ordures dans le lit où le prêtre avait couché. L’hôtesse demanda au valet si le prêtre et les autres hôtes étaient levés, et s’ils avaient compté et payé. Le valet répondit : « Oui, le prêtre s’est levé il y a déjà longtemps, a fait sa prière, a payé et s’en est allé ; mais je n’ai pas encore vu d’aujourd’hui l’autre compagnon. » La femme craignit qu’il ne fût malade ; elle entra dans sa chambre, et lui demanda s’il ne voulait pas se lever. Il lui répondit : « Oui, l’hôtesse ; je ne me sens pas très bien. » Cependant l’hôtesse voulut prendre les draps du lit du prêtre. Quand elle le découvrit, elle vit un gros tas d’ordure au milieu. « Ah ! Dieu me garde ! dit-elle ; qu’est-ce que voilà ? – Chère hôtesse, dit Ulespiègle, cela ne m’étonne pas ; car hier soir, tout ce qu’il y avait de bon sur la table, vous le serviez au prêtre, et toute la soirée vous n’avez fait que répéter : « Monsieur, mangez cela ! » Je m’étonne qu’après avoir tant mangé le prêtre n’ait fait que cela, et n’ait pas rempli la chambre. » L’hôtesse se mit à maudire le pauvre prêtre, qui était innocent, et dit que, quand il reviendrait, il pourrait bien passer son chemin ; que, quant à Ulespiègle, le bon compagnon, elle le traiterait bien.