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LES AVENTURES DE TIL ULESPIÈGLE

eut plus à vendre, et que son tonneau était presque plein. Alors il dit aux paysannes d’un air moqueur : « Je n’ai pas d’argent en ce moment. Celles qui ne voudront pas attendre quinze jours n’ont qu’à reprendre leur lait ; » et il s’en alla. Les femmes firent un vacarme épouvantable. L’une disait qu’elle en avait tant, l’autre tant, et ainsi de suite, si bien qu’elles commencèrent à se jeter à la tête pots, bouteilles et mesures, et à se battre et à se jeter le lait dans les yeux, sur les habits et par terre ; de sorte qu’on aurait dit qu’il y avait eu une pluie de lait. Les bourgeois et tous ceux qui voyaient cela riaient de l’aventure, et disaient qu’Ulespiègle avait fait là une bonne malice.



CHAPITRE LXXI.


Comment Ulespiègle donna douze florins à douze
aveugles, à ce qu’ils crurent, lesquels les
dépensèrent et après s’en
trouvèrent très mal.



Comme Ulespiègle passait son temps à courir le pays çà et là, il revint une fois à Hanovre, où il fit beaucoup de choses singulières. Un jour qu’il se promenait à cheval en dehors de la ville, il rencontra douze aveugles. Quand il fut près d’eux, il leur cria : « D’où venez-vous, les aveugles ? » Les aveugles s’arrêtèrent et entendirent bien qu’il était