CHAPITRE LVIII.
se tira d’affaire au moyen d’une bonne malice.
ambert le sommelier remarqua les paroles
qu’Ulespiègle avait dites en sortant du cellier.
Il envoya un messager après lui, qui l’atteignit
dans la rue, l’arrêta et le trouva porteur de
deux cruches, l’une vide et l’autre pleine de vin. Il le
fit arrêter comme voleur et conduire en prison. Les
uns disaient qu’il avait mérité la potence ; d’autres
disaient que ce n’était qu’un tour subtil, et ils pensaient
que le sommelier aurait dû fermer l’œil, puisqu’il
avait dit que personne ne pourrait le tromper,
et qu’Ulespiègle l’avait fait pour le punir de sa
jactance. Mais ceux qui en voulaient à Ulespiègle
dirent que c’était un vol, et qu’il fallait le pendre.
En effet, l’arrêt qui fut rendu le condamna au gibet.
Quand vint le jour de l’exécution, qu’on devait
mener Ulespiègle au supplice, il y eut dans toute
la ville un grand mouvement de gens à pied et à cheval,
et le Conseil de Lübeck craignit qu’on ne voulût
lui enlever son prisonnier et le traduire devant un
autre tribunal, pour qu’il ne fût pas pendu. Plusieurs
étaient curieux de voir comment il finirait, après
avoir eu pendant sa vie tant d’aventures. D’autres
pensaient qu’il était sorcier et qu’il se tirerait d’affaire
par la magie ; la plupart désiraient qu’on lui