Page:Anonyme - Les Aventures de Til Ulespiegle.djvu/140

Cette page a été validée par deux contributeurs.
140
LES AVENTURES DE TIL ULESPIÈGLE

au cellier et fit mesurer quatre pots de vin qu’il fit mettre dans sa cruche vide. Puis il mit adroitement cette cruche sous son manteau, et en retira celle qui était pleine d’eau, la mit en évidence devant le comptoir, et dit : « Sommelier, combien les quatre pots de vin ? – Dix deniers, répondit le sommelier. — C’est trop cher, dit Ulespiègle ; je n’ai que six deniers. Me le donnerez-vous pour ce prix-là ? – T’avises-tu de marchander le vin de Messieurs ? dit le sommelier en colère ; c’est ici à prix fixe. Celui à qui cela ne convient pas n’a qu’à laisser le vin dans le cellier. – Je le sais maintenant, dit Ulespiègle ; voilà les six deniers ; si vous ne les voulez pas, remettez le vin dans le tonneau. » Le sommelier prit avec colère la cruche pleine d’eau et la vida dans le tonneau par le trou de la bonde, croyant que c’était le vin, et dit : « Quel imbécile tu es ! tu te fais mesurer du vin et tu ne peux pas le payer ! » Ulespiègle prit la cruche et s’en alla en disant : « Je vois bien que tu es un sot ; il n’y a personne si sage qui ne puisse être trompé par un fou, fût-elle un sommelier. » Puis il emporta la cruche pleine de vin sous son manteau, et à découvert la cruche vide, dans laquelle avait été l’eau.