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LES AVENTURES DE TIL ULESPIÈGLE

par laquelle il leur parlait d’un art qui leur serait utile, à eux et à leurs descendants, aussi longtemps que durerait le monde, et ils le prièrent de leur apprendre cet art, promettant de lui faire un présent. Ulespiègle leur dit : « Oui, réunissez-vous tous dans une prairie, afin que chacun de vous puisse m’entendre. » Ils s’assemblèrent tous dans une grande plaine, et Ulespiègle monta tout en haut d’une maison, se mit à la fenêtre et dit : « Honorables membres de la corporation des tailleurs ! vous devez remarquer et comprendre que quand vous avez des ciseaux, une aune, du fil, un dé, une aiguille, vous êtes munis de tous les outils nécessaires à l’exercice de votre profession. Il ne vous reste rien à apprendre qui puisse vous servir dans la pratique de votre métier, si ce n’est l’art que je veux vous enseigner. Cet art, rappelez-vous que vous le tenez de moi. Le voici : Quand vous avez enfilé votre aiguille, n’oubliez pas de faire un nœud au bout du fil ; sans cela vous feriez bien des points inutiles, car le fil ne s’arrêterait pas dans la couture. » Les tailleurs se mirent à s’entreregarder et se dirent : « Il y a longtemps que nous connaissons ce secret et que nous savons tout ce qu’il nous dit. » Ils lui demandèrent s’il n’avait pas autre chose à leur dire, ajoutant qu’ils n’avaient pas fait dix ou douze lieues, sans compter les messagers qu’ils s’étaient envoyés les uns aux autres, pour entendre pareille chose ; que les tailleurs connaissaient ce secret depuis longtemps, depuis plus de mille ans. Ulespiègle leur répondit : « Ce qui s’est