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introduction

la plus vieille école des trouvères, de ceux qui, d’après le passage aujourd’hui classique découvert par M. Léopold Delisle, chantaient exclusivement les gestes des héros et la vie des saints [1].

Le sujet lui-même, la simplicité de l’action, le ton général ont le même cachet d’antiquité. Aucun des moyens introduits dès la fin du XIIe siècle pour exciter l’intérêt n’y est employé ; il n’y a pas de merveilleux, il y a des miracles obtenus par la prière des héros. On ne rencontre dans cette chanson, composée dans le pays qui fut depuis le domaine privilégié de la féerie, ni enchantements, ni monstres, ni luitons ; on n’y voit pas non plus un seul de ces héros difformes ou vilains, dans le sens propre du mot, tels que les Rainouart ou les Robastre. L’amour, en tant que mobile dramatique, y est inconnu. L’absence de toute allusion à Arthur, aux traditions du Brut ou aux romans de Chrestien de Troyes, est surtout significative. Elle reporte forcément à un temps où la Bretagne de langue française n’avait pour littérature que les chansons de gestes de la langue

  1. Joculatores qui cantant, gesta principum et vitas sanctorum.... ut faciant solatia hominibus, (Préface d’Huon de Bordeaux, vi.)