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iv. — l’auteur et l’œuvre

Homeis efforce ystorie et sermons bien rimié...
Se vos vorois entendre, je vos dirai ancor
Cum Rollant pasa mer en tere alienor
E com dou roi de Perse fu loial servitor...
E si vos canterai com il fu avoheor
Don grant regne de Persse par son sotil labor...
Tot ce vos savrai dir, ch’en sui estez houtor.
Por voloir castoier li coarz et li van
E fer en cortoisie retorner li villan
E les retors de tere encroire en consoil san
Me sui mis a trover dou meilor Cristian
C’onque seüst canter jogleors en roman...
Se por loër devroie totes ses huevres dir,
Il vos anoieroit, je le sai sans fallir ;
Neporquant il devroit a tote gient ploisir,
Car la bontié Rollant ne feit bien a tesir.
Pués qe de ses bontez sui mis à descovrir,
Dou tot les canterai ; ne m’en pois retenir[1].

Le ton a changé et le cadre s’est élargi. Les pieuses préoccupations du début sont laissées dans l’ombre et saint Jacques a disparu. Roland seul reste le héros du poète, personnifiant de plus en plus en lui la chevalerie, de source religieuse sans doute, mais dont l’idéal embrasse maintenant toutes les nobles préoccupations de l’humanité. Nous sommes bien loin de la chronique de Turpin. Et pourtant le poète ne se dégage pas tout à fait de l’attitude qu’il a adoptée dans la première partie de son œuvre : même sur la terre d’Orient, il éprouve le besoin d’invoquer son « docteur », et quand il introduit le roi de Perse dans la chambre de la reine, il note gravement qu’il le fait « si cun Trepins latine [2] ». Mais personne ne peut être dupe de cet innocent subterfuge.

  1. Entrée d’Espagne, 10939, 10945-7, 10954-5, 10960-5, 10991-6.
  2. Ibid., 13548.