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Sommaire.

le vin disparaît. « C’est un enchantement, s’écrie Eudes. — Non, dit Huon, c’est l’effet de votre méchanceté. Vous ne sauriez goûter du vin de ce hanap, car vous êtes né un jour de malheur. — Comment, reprend le duc, vous venez m’insulter ainsi dans ma cité ? Par Mahomet, vous êtes fou ! Mais dites-moi, je vous prie, de quel pays vous êtes. — De Bordeaux, répond Huon. — De Bordeaux ! et de qui êtes-vous fils ? — Du duc Séguin, à qui Dieu fasse pitié, car il est mort il y a sept ans passés. — Fils de mon frère, s’écrie Eudes, sois le bienvenu ! Eh ! qu’allais-tu donc faire ailleurs qu’à mon hôtel ? Dis-moi, beau neveu, où vas-tu ? — Au-delà de la mer Rouge, répond Huon, porter un message au roi Gaudisse. C’est Charlemagne qui m’y envoie parce que j’ai tué son fils Charlot, et si je ne m’acquitte de mon message, je ne pourrai revoir ma terre dont je suis déshérité. — Et moi aussi, beau neveu, j’ai été banni de France ; j’ai abjuré la foi chrétienne et suis venu m’établir ici, où je me suis marié et où j’ai de grandes terres, des châteaux et des cités que ma femme m’a apportés. Viens à mon hôtel jusqu’à demain ; je te ferai accompagner par mes barons et conduire sûrement, car tu as de rudes pas à passer. » P. 126-128.

Huon se rend, en effet, chez son oncle ; il y emporte son hanap, mais il oublie son cor à l’hôtel du prévôt. — Le lendemain, comme il se dispose à partir, le duc Eudes le retient et le fait asseoir à sa table, puis il prend à part Geoffroy, un de ses chevaliers, qu’il a amené de France et qu’il a contraint de renier Dieu : « Geoffroy, lui dit-il, faites-moi armer cent quarante païens, et que mon neveu soit mis à mort pendant que nous serons à table. S’il vous échappe, je vous retire mon amitié. — À vos ordres, »