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Sommaire.

quitter sans verser des larmes. Huon lui demande ce qui l’afflige : « Ami, répond le nain, vous emportez mon cœur avec vous. Adieu, je ne puis vous en dire davantage. » P. 107-112.

Après avoir chevauché quinze lieues, Huon et ses compagnons arrivent au bord d’une rivière qu’ils ne savent comment passer ; mais un messager d’Oberon les suit, qui porte à la main un bâton d’or. Il en frappe l’eau ; elle s’ouvre et laisse un passage assez large pour cent mille hommes. Le passage se referme derrière eux et ils continuent leur route, mais non sans parler du nain dont ils viennent encore une fois de reconnaître le pouvoir. — Ils font halte dans un verger pour y prendre du repos, et Huon s’émerveille en éprouvant la vertu de son hanap : « Quel présent ! s’écrie-t-il, il vaut mieux que deux cités des plus riches. Mais je ne puis croire à ce que m’a conté ce nain, que si je corne, il m’entendra de si loin. Dieu me damne si je n’en fais l’épreuve ! » — Le vieux Jérôme lui rappelle en vain la recommandation d’Oberon ; Huon saisit le cor et en sonne. Et aussitôt ses compagnons entrent en joie. Jérôme se prend à chanter, et s’écrie : « Corne, beau cousin, et béni soit qui t’engendra ! » — Oberon a entendu le son du cor : « Ah Dieu, s’écrie-t-il, j’entends mon ami corner, qui donc ose le mettre en peine ? Je me souhaite où le cor a sonné avec cent mille hommes en armes. » Son souhait est exaucé à l’instant même, au grand effroi de Huon. « Que Dieu te maudisse ! lui dit le nain, où donc sont tes ennemis ? Est-ce ainsi que tu m’obéis. — Grâce, seigneur, grâce, pour l’amour de Dieu, s’écrie Huon. J’ai éprouvé la vertu de votre hanap, mais je n’osais tenter de grandes aventures sans avoir aussi éprouvé votre cor. » — Oberon par-