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Sommaire.

menté qu’il s’en vengera d’une manière terrible. Il fera pleuvoir et venter si fort que les arbres en seront brisés et fendus par quartiers. Il fera ensuite couler devant vous une rivière à porter des navires ; mais sachez-le bien, ce seront autant de fantômes : vous passerez cette rivière à pied sec, sans y mouiller ni chausses ni souliers. Pourvu que vous vous taisiez, vous ne courrez aucun risque ; mais, si vous dites un seul mot, vous êtes perdu. — Par ma foi, dit Huon, je me garderai bien de parler. » À ces mots, il fait donner un cheval à Jérôme et se met en route avec lui. P. 93-96.

Arrivés au bois d’Oberon, ils s’y arrêtent pour prendre du repos sous un chêne. Huon se lamente, car il jeûne depuis trois jours et n’a rien à manger. Jérôme l’engage à manger des racines : « Depuis trente ans, dit-il, je ne me suis pas nourri d’autre chose. » Comme ils parlent ainsi, voici venir le petit homme à travers le bois. Il est vêtu d’un riche manteau de soie à bandes d’or. Il porte un arc précieux avec lequel il ne manque jamais le gibier. À son cou pend un cor d’ivoire, ouvrage des fées, et doué par elles de dons merveilleux. L’une a voulu qu’il rappelât à la santé le malade qui en entendrait le son. Une autre lui a donné le pouvoir de rassasier qui aurait faim, de désaltérer qui aurait soif. Une troisième a souhaité qu’au son de ce cor l’homme le plus malheureux se prît à chanter ; une quatrième, enfin, qu’il pût se faire entendre d’Oberon dans sa cité de Monmur, si lointain que fût le pays où l’on en sonnerait. Le petit homme, en apercevant Huon et ses compagnons, commence à corner, et ils se mettent tous à chanter. « Qui donc nous vient visiter ? dit Huon, je ne sens plus la faim ni la misère. — C’est le