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Sommaire.

France ; grands et petits ne manqueront pas de répéter que l’âge t’a fait perdre le sens. Grâce, encore une fois, grâce et pitié pour Huon ! — Assez, répond l’empereur : quand le monde entier me demanderait sa grâce, je la refuserais. À quoi pensez-vous, barons, de me presser si fort ? Voici venir Pâques, où l’héritier du duché de Bordeaux doit me servir à table. Comment pourrais-je regarder en face celui qui a tué mon fils ? — Sire, dit Huon, puisque vous me haïssez tant, je renonce à mon fief, mais du moins donnez-le à mon frère Gérard. » — Nouveau refus de Charlemagne. — Nouvelle insistance du duc Naimes. « Sire, dit-il, ne vous laisserez-vous point fléchir ? — Non, » répond l’empereur. Alors le duc Naimes dit aux autres pairs : « Seigneurs, levez-vous, et laissons là ce roi tout rassoté ; depuis l’heure où naquit Notre Seigneur on ne vit jamais pareille injustice. Aucun de nous ne doit plus rester à sa cour, car même aventure nous menace tous. » Les pairs se lèvent, suivent le duc Naimes, et Charlemagne demeure seul. « Hélas ! s’écrie-t-il, mon fils est mort, et il faut encore que je perde mes barons ! » — Il ne peut supporter cet abandon, et, tout en larmes, il va lui-même les rappeler. P. 66-69.

Les barons rentrent au palais. Le roi s’assied sur son fauteuil, et fait venir Huon, qui s’agenouille à ses pieds. « Huon, lui dit-il, écoutez : voulez-vous faire votre paix avec moi ? — Certes, répond Huon, c’est mon plus vif désir. Pour faire cet accord, j’irais en enfer, si je le pouvais. — Vous irez en lieu pire, dit l’empereur ; vous irez où j’ai déjà envoyé quinze messagers dont pas un n’est revenu. Vous irez au delà de la mer Rouge, à Babylone, la grande cité, porter un message de ma part au roi Gaudisse. Si vous pou-