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Sommaire.

gne, Dieu a permis une injustice. J’ai assez connu le courtois Amaury pour savoir que, s’il eût été coupable d’une trahison, il n’eût pas manqué de l’avouer. Je te bannis à toujours de la France. Ne retourne jamais à Bordeaux : car, si de ma vie je t’y trouve, je te ferai mourir de male mort. — Sire, qu’avez-vous dit ? répond Huon ; ne me suis-je donc pas acquitté envers vous ? Pour Dieu, rendez-moi ma terre et mon pays. — Jamais ! dit l’empereur, par la foi que je dois à Jésus-Christ. — Seigneurs barons, s’écrie Huon, implorez le roi pour moi, vous qui êtes ses amis. Je suis pair de France et votre compagnon. » P. 62-66.

À ces mots se lève le duc Naimes et avec lui tous les autres pairs. Ils s’agenouillent devant le roi et implorent la grâce de Huon. — « Barons, dit Charles, par saint Denis, vous resteriez ainsi jusqu’au jour du jugement, que je n’aurais de lui ni pitié ni merci. Retirez-vous. » Les barons, consternés, se relèvent et vont prendre leur place. Mais le duc Naimes s’écrie : « Empereur, as-tu perdu le sens ? Pourquoi renoncer à ta part de paradis ? Dans la nouvelle loi comme dans l’ancienne, il est écrit, saches le bien, que quiconque déshérite un héritier légitime est banni de la présence de Dieu. » — L’empereur ne se laisse point fléchir ; il rappelle la loi qu’il a imposée avant le combat aux deux adversaires. Huon l’implore encore une fois. — « Laisse-moi, lui répond Charlemagne ; je te hais tant, que je ne puis te voir. Hors d’ici ! fuis de devant mes yeux. — Juste empereur, répond Naimes, écoute-moi encore : quand la nouvelle va se répandre dans le pays que tu auras ainsi honni et déshérité ce damoiseau, que vont dire tous les hauts barons ? Nos jugements ne seront plus respectés en