Marie, dit-il en revenant à lui, quel triste présent vous m’apportez ! » — Le duc Naimes s’efforce de calmer la douleur de Charlemagne. « Quand Ogier vous fit la guerre, lui dit-il, il tua mon fils, que j’aimais tant ; me suis-je alors abandonné à la douleur ? Non, par Dieu, j’ai eu la force d’y résister. Empereur, ne vous laissez point abattre non plus ; demandez plutôt à Amaury qui a tué votre enfant. — Eh bien, je le lui demande. — C’est ce damoiseau, répond Amaury, que je vois assis là, et qui boit de votre vin. » À ces mots, Charlemagne change de visage, aperçoit un couteau sur une table, le saisit à deux mains ; mais le duc Naimes le lui arrache au moment où il va en frapper Huon : « Sire, lui dit-il, avez-vous perdu le sens ? Lorsque Huon arriva ce matin au palais, vous l’assurâtes, en présence de tous, qu’il n’avait rien à craindre de personne, et maintenant, vous le voulez frapper de ce couteau : ce serait un meurtre, savez-vous ! » P. 37-39.
À voir l’attitude menaçante de Charlemagne, à penser qu’il a tué le fils de l’empereur, Huon ne peut se défendre d’un grand émoi, et cependant il fait belle contenance, « Ne me menacez point de votre couteau, dit-il. J’ai tué celui que je vois là gisant, mais, par le Dieu qui répandit son sang pour nous, je ne savais point qu’il fût votre fils. Si je l’avais su, croyez-vous donc que je serais venu à votre cour me placer sous votre sauve-garde ? Non, par Dieu, je me serais plutôt enfui en Orient. À quoi bon la menace ? Pourquoi iriez-vous brûler des bourgs et des châteaux, et livrer de pauvres gens à la mort ? Me voici prêt à me soumettre à la justice de France. — Il parle bien, disent les Français ; maintenant, si Amaury sait quelque chose de la mort de Charlot,