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Sommaire.

dit le duc de Naimes, pour Dieu, ne tenez point pareil langage. Allez-vous-en à Reims, à Saint-Omer, au bourg d’Orléans, ou demeurez à Paris dans votre palais. Faites-vous y servir et vivez-y en paix ; nous garderons vos châteaux et vos fiefs, et vous aiderons à rendre la justice dans vos terres. Dussiez-vous rester quarante ans infirme dans votre lit, vous y serez craint et redouté. — Naimes, reprend Charlemagne, vos instances sont vaines : cette couronne d’or ne remontera jamais sur ma tête. C’est pourquoi je vous requiers, nobles chevaliers, de donner un roi à mon royaume. — Ah ! dit Naimes, j’en ai le cœur navré ; si cependant c’est votre plaisir, aidez-nous de vos conseils, beau sire, pour choisir le nouveau roi. — Barons, dit Charlemagne, qui pourriez-vous élire sinon mon fils Charlot. Il m’est cher et je l’aime, quoique ce soit un vaurien. J’avais cent ans lorsque je l’engendrai. Ainsi le voulut Notre Seigneur Jésus-Christ, qui me manda par l’ange saint Michel de coucher avec ma femme. J’obéis, et j’eus un mauvais héritier. Charlot, à mon grand déplaisir, refuse de me venir en aide ; il aime mieux les traîtres que les preux. Il m’a suscité maint embarras mortel, et me fit un ennemi d’Ogier le Danois. D’un coup d’échiquier il tua Baudouin, le fils chéri d’Ogier, et ce fut la mort de plus d’un vaillant chevalier. P. 1-4. — Charlemagne rappelle à ses barons les souvenirs de sa lutte avec le Danois, comment il le tint longtemps captif à Reims, comment il fut contraint de lui rendre la liberté pour l’opposer au sarrasin Brehier, et comment alors il dut lui livrer Charlot, qui eût péri s’il n’eût été sauvé par un ange descendu du ciel. « Grande fut ma joie et celle de mes chevaliers, dit l’empereur, lorsque je ramenai