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Huon de Bordeaux

« Asés devés, si me soit Dix amis,
« Car vostres peres .iii. castiax me toli ;
« Onques de lui ne poc mon lieu véir :
730« Ore ai boin cange pour lui, ce m’est avis,
« Car je voi bien que ne poés guencir.
« Mais, par celui qui onqes ne menti,
« Il vous convient tot maintenant morir :
« Or vous gardés, car je vous vois ferir. »
Gerars l’entent, tous li sans li fremi ;
Où voit Karlot, moult belement li dist :
« Hé ! gentis bons, pour l’amor Diu, merci !
« Tu es armés et je sui desgarnis ;
« T’as bon haubert et çaint le branc forbi,
740« Et je sui nus el bliaut sebelin,
« Si n’ai espée, ne bon espiel burni
« Dont je me puisse envers ton cors couvrir.
« Hé ! gentis hons, et c’ariés vous conquis
« Quant tu m’aras detrenchié et ochis ?
« Pour l’amor Dieu, aiies de moi merchi ;
« Car, par celui qui est Dieus poestis,
« Encore di ge, loiaument le t’afi :
« Vés çà mon frere, qui est esnés de mi,
« Et vient à cort le roi de Saint Denis,
750« Qui nous manda certes par ses escris ;
« Se nous avons riens envers vous mespris,
« Droit vous ferons à le cort, à Paris,
« Com jugeront li baron du païs. »
Et dist Karlos : « Par le cors saint Denis,
« N’en ferai nient, foi que doi mes amis ;
« Car, par celui qui est Diex postéis,
« Ne mengerai tant com tu soies vis :
« Il te convient de male mort morir. »
Gerars l’entent, tos li sans li fremi ;
760U voit Karlot, moult belement li dist :