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Sommaire.

chambres des belles et les couvrir de caresses et de baisers. — Voilà bien des métiers, dit l’amiral, mais c’est aux échecs que tu feras tes preuves. J’ai une fille d’une grande beauté et qui sait ce jeu à merveille. Jamais homme n’a pu la mater. Par Mahomet ! tu joueras une partie avec elle, et si elle te fait mat, tu auras la tête coupée ; mais, en revanche, si tu peux la mater, je ferai dresser un beau lit, qu’elle partagera avec toi, et, le matin, je te donnerai cent livres. — À votre volonté », répond Huon. P. 220-222.

L’amiral fait prévenir sa fille. « Quelle folie est celle de mon père, dit-elle ; par le Dieu que j’adore ! je ne serai jamais cause de la mort d’un si bel homme : plutôt me laisser mater. » — Les deux adversaires sont mis en présence, et la partie s’engage. Huon a bientôt perdu bon nombre de ses pièces ; il change de couleur. À quoi pensez-vous, vassal, lui dit la demoiselle, vous voilà bien près d’être mat et d’avoir la tête coupée. — Nous n’en sommes pas là, répond Huon, et il fera beau vous voir entre les bras du serviteur d’un ménestrel. » Pendant que les rires de l’assistance accueillent cette repartie, la jeune fille a regardé Huon, et elle en est devenue si distraite que son jeu est fort compromis. — « Sire, dit bientôt Huon à l’amiral, vous pouvez voir maintenant comment je sais jouer ; si j’y voulais rêver un moment, le mat ne tarderait guères. » À ces mots, l’amiral adresse à sa fille de violents reproches. — « Sire, ne vous emportez point, répond Huon, notre marché peut se rompre. Que votre fille retourne à sa chambre ; moi, je m’en irai servir mon ménestrel. — Si tu y consens, dit Yvorin, je te donne cent marcs d’argent. » Huon accepte et la fille de l’amiral sort en courroux : « Que Mahomet le confonde, dit-elle, par ma foi, si j’avais