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Sommaire.

gardien de cette fontaine, donne la mort au méchant ou au traître qui en approche. Huon y boit, s’y lave les mains et oublie son message ; mais il tremble toujours en songeant à Oberon. Le nain viendra-t-il encore à son secours ? Il veut s’en assurer et fait retentir son cor, mais en vain : nul ne le vient visiter. Le cor n’a gardé sa vertu que pour mettre en danse et faire chanter l’amiral avec ceux qui en ce moment le servent à table. — Gaudisse effrayé ordonne à ses hommes de se saisir de l’enchanteur qui les charme ainsi ; mais Huon ne les attendra pas. Après un instant de découragement, il invoque Notre-Dame, et marche hardiment vers le palais, où il entre le heaume en tête et l’épée au poing. P. 163-168. À la table de l’amiral et en face de lui est assis un puissant Sarrasin qui doit épouser sa fille Esclarmonde. D’un coup d’épée Huon fait voler sur la table la tête du païen, dont le sang rejaillit sur Gaudisse. « Bonne étrenne ! se dit-il, me voilà acquitté d’autant envers Charlemagne. » Grâce à son anneau, il n’a rien à redouter : tout lui est permis. Il donne trois baisers, comme il l’a juré, à la belle Esclarmonde, qui s’éprend pour lui d’un amour soudain. Il s’annonce enfin comme messager de Charlemagne et somme l’amiral de recevoir le baptême, de rendre hommage à l’empereur et de lui envoyer le tribut qu’il réclame. — « Ton seigneur est fou, répond Gaudisse, je n’en fais pas plus de cas que d’un ail pelé. Voilà quinze messagers qu’il m’envoie : je les ai tous fait écorcher et saler ; tu seras le seizième. » — Huon est encore protégé par son anneau ; mais l’amiral veut savoir de qui il le tient. — « Je te dirai la vérité, répond-il, j’ai tué ton seigneur. — Barons, s’écrie à ces mots l’amiral, le laisserez-vous aller ? Ce serait une honte