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LANGUE : § 2 — LANGUE DE L’AUTEUR

10. -ot < -abat. Dans la laisse CLXXXIII il y a vingt-trois imparfaits en -ot, tandis que les laisses en -oit ne nous présentent que dix cas où un verbe de la 1re conjugaison latine soit muni de la terminaison analogique -oit : amoit 2306 ; crevoit 5985 ; desirroit 5979 ; estoit 5977, 5980, 5983, 5994, 6000, 6008 ; resembloit 5987 ; et encore faut-il peut-être regarder estoit, non comme provenant de stabat, mais comme une formation analogique du verbe estre. La terminaison de l’imparfait -ot, qu’on considère en général comme un trait spécialement normand, se rencontre un peu partout, excepté dans l’est de la France [1].

Résumons les faits acquis : le picard est exclu par les cas 2, 5, 7, 8 et 9, le normand par les cas 2, 3, 4, 6 (?)vet 7, le lorrain par les cas 1, 3, 4, 5 et 10. Reste donc le francien, peut-être, à cause du cas 1, le francien parlé dans la Champagne occidentale [2].

Il n’y a qu’une seule rime : avonne (avĕna) 3284 : -onne qui soit en contradiction absolue avec le parler francien-champenois de notre auteur. Deux explications nous paraissent possibles : ou bien il y a là une leçon fautive ou une interpolation de la part du copiste lorrain de P [3] (le vers manque dans les mss. M et L), ou bien le mot est un emprunt dialectal, venu peut-être

  1. Voy. Auberee, éd. G. Ebeling (1895), Intr., pp. 133-135.
  2. Il y a un fait de tout autre nature qui parle en quelque sorte en faveur de la Champagne. V. 4073, il est fait mention de l’église saint Pere d’Avalon à propos d’un événement fictif (le larron Clarembaut y aurait été capturé). Or, dans la ville d’Avallon (dép. de l’Yonne) il existe encore aujourd’hui une chapelle Saint-Pierre, autrefois (jusqu’au xive siècle) église paroissiale. Si l’auteur de Florence de Rome a pensé à cette localité, il est fort probable qu’il a demeuré non loin de là, donc plutôt en Champagne que dans l’Île-de-France.
  3. L’on sait qu’en lorrain moderne e libre devant nasale est devenu uo, o après les consonnes labiales ; voy. W. Meyer-Lübke, Gramm. des langues romanes, I, 113 (§ 92).