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la saga d’élie

rié est fou et ne comprend rien. Je t’engage ici ma foi que je te vengerai, si j’arrive vivant au pays, et aussitôt je le ferai pendre à ce haut rocher. » Quand Élie entendit ces paroles, il se courrouça fort et implora instamment l’aide et la grâce du Dieu qui gouverne tout[1]. Élie était libre sur le vaisseau du roi : alors il s’aperçut, ce qui lui causa grand émoi, que Malpriant faisait sortir son cheval de dessous le pont et le faisait conduire à terre ; il avait une selle dorée ; il était bridé et prêt à être monté. Ce cheval était si bon, comme il a déjà été dit plus haut, que jamais roi n’en avait eu de pareil. Élie dit à voix basse : « Aide-moi, seigneur Jésus-Christ, fils de la vierge Marie ! Il n’y a pas encore six jours passés que ce cheval était en ma possession. Plût à Dieu que je fusse assis sur son dos et armé comme je voudrais [2] ! » Alors il bondit en l’air avec une force si merveilleuse que personne ne put le tenir, et il vint jusqu’à terre, et il courut aussitôt vers l’homme qui conduisait le cheval, et lui donna un si violent coup de poing sous l’oreille qu’il lui brisa la nuque. Élie sauta sur le cheval aux yeux de toute l’armée et partit au galop. Quand le roi Macabré vit cela, il se courrouça fort et avec rage cria à Mahon : « Méchant dieu, » dit-il, « que fais-tu ? es-tu fou ou dors-tu ? Je t’ai promis fidélité : malheur à ta puissance et à ceux qui te servent ! Maintenant le Franc s’en va, qui t’a toujours outragé ! » Il appuya son pied sur un côté de la statue de Mahon et le renversa de son pilier et lui cassa le nez et le bras droit en deux. Les païens le saisirent alors : « Mauvais roi, » dirent-ils, « que fais-tu ? tu es plein de colère, de folie et de brigandage, en frappant et brisant ton dieu ! Va maintenant vers lui, et prosterne-toi devant lui, et prie le de te pardonner : sans cela tu mourras ! »

  1. D ajoute : car il était en grande frayeur.
  2. D ajoute : car je me ferais hacher en morceaux avant de retomber en leur pouvoir.