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la saga d’élie

les deux mains et les pieds, de sorte que l’épée ne s’arrêta pas avant de toucher terre[1]. Le païen fit une telle chute que toute la terre trembla à l’entour, quand fut renversé ce corps maudit. Élie dit alors : « Mahon et Apollon t’ont mal protégé ! »

Quand les païens virent tombé et mort leur plus grand champion, toute l’armée poussa un grand cri, tel qu’on eût cru que tous les diables d’enfer étaient rassemblés. Plus de mille païens se précipitèrent alors avec leurs armes et leurs épées tirées. Malpriant était le plus près : quand il voit son cheval, il le saisit tout de suite par la bride, chevaucha avec lui et le donna à garder à un païen. Ils se jetèrent tous sur Élie de chaque côté, et lui opposèrent leurs écus, et le saisirent de leurs mains et le lièrent si fort que la peau et la chair se détachèrent des os[2] avec une grande perte de sang. Et quand sire Guillaume et ses compagnons virent cette triste aventure, ils s’élancèrent là où la mêlée était la plus forte, et frappèrent des deux côtés, si bien qu’en peu de temps ils massacrèrent cent païens. Mais voilà que plus de trois cents païens les attaquèrent. Lorsque Élie vit qu’ils allaient être pris, il leur cria : « Sire Guillaume, sauve ta vie et abandonne[3] ce combat, car je suis étroitement enchaîné, je suis prisonnier, et mon sort ou mon tourment ne sera pas meilleur, si vous êtes tués avec moi. » Et quand Guillaume et ses compagnons entendirent les paroles d’Élie, ils trouvèrent que le conseil était bon : ils se retirèrent donc du combat, mais les païens les pourchassèrent pendant plus de deux étapes, au nombre de sept cents, et ne purent s’emparer d’aucun d’eux.

(XXVI fin)

Jossé d’Alexandrie dit aux autres païens : « Il nous est arrivé malheur, car ceux qui se sont échappés sont de grands et puissants princes, de braves chevaliers, tels

  1. Après ce mot commence une lacune dans A.
  2. D des mains jusqu’aux os.
  3. D « Bons seigneurs, » dit-il, « ayez soin de votre vie, et abandonnez-nous. »