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la saga d’élie

ses armes. Alors Jossé d’Alexandrie, le païen, dit : « Voilà un singulier peuple. Ici est aujourd’hui venu le roi Artur de Bretagne, le roi renommé et victorieux, et avec lui Gafer le fort et Margant l’irascible, et Golafre[1] le furieux, qui mange cinq ou six hommes à un repas. Retournons le plus vite possible à notre armée pour être secourus, car à ceux-ci aucun homme vivant ne peut résister. Ce sont des héros du peuple chrétien qui étaient morts depuis longtemps et qui maintenant sont ressuscités pour nous tuer et pour défendre leur royaume contre nous. »

(XXII)

Comme un lion met en déroute un troupeau de moutons, quand, à l’improviste, il sort de sa caverne pour choisir celui qui, de tout le troupeau, lui paraît le plus gros, ainsi s’avançait sire Guillaume, comte d’Orange, contre la troupe des païens maudits, desquels il avait à se venger. Il les tuait et les dispersait, de sorte que tous ceux qui voyaient sa manière de faire étaient affolés. Aucun de ceux qui l’attendirent ne recommença à parler. Ses compagnons en faisaient tout autant. Et les païens s’enfuient vers leur armée ; mais ceux-ci les chassèrent, les tuant de leurs lances et ne s’arrêtèrent pas avant d’avoir mené la poursuite jusqu’au gros de l’armée ; et ce fut grande folie et imprudence de les pourchasser si loin. Jossé d’Alexandrie dit : « Mahon et Apollon, maudites soient la nuque et l’épaule de celui qui désormais jour ou nuit s’inclinera devant vous ou vous obéira, si vous laissez s’échapper ces hommes, qui nous ont fait tant de honte et de dommage, eux si peu nombreux contre une multitude ! » Ils commencèrent alors l’attaque de tous côtés, et ils eussent remporté la victoire sur les comtes ou les eussent blessés, si Dieu ne leur fût venu en aide. Les vingt chevaliers que sire Julien avait envoyés après Élie arrivèrent de la forêt par un autre

  1. A Gulafri.