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la saga d’élie

en tes paroles, et tu ne t’entends pas à te préserver. C’est bien imprudemment que tu as entrepris cette chasse après moi que tu poursuis depuis si longtemps, car voici devant nous rassemblés sept mille de mes compagnons, et il n’en est pas un d’entre eux qui ne désire te tuer. En vérité, » dit Malpriant, « c’est de la folie et de l’imprudence ! Tu nous as fait aujourd’hui tel dommage qu’il ne se pourra jamais réparer ; mais le temps vient que tu t’en repentiras. » Ils parlèrent si longtemps ensemble que toute l’armée s’approcha. Quand les païens les virent, ils accoururent et vinrent au-devant d’eux. Et maintenant que Dieu prenne en grâce le bon et courtois Élie ! Il est bien en danger de mourir ou de perdre quelques-uns de ses membres.

(XVII)

Quand Élie vit les païens qui étaient à pied accourir vers lui, et le gros de l’armée qui les suivait à cheval, il demanda de tout son cœur à Dieu de[1] le prendre en miséricorde, et il s’aperçut alors que Malpriant prenait position et chevauchait lentement et ne le craignait pas. Le cheval d’Élie, qui était fatigué tout à l’heure, avait regagné des forces, car il avait repris haleine et s’était reposé pendant qu’ils parlaient ensemble. Élie poussa alors son cheval contre Malpriant, et de sa lance le frappa sur son écu qui, du coup, aussitôt se sépara en deux, et il enfonça la lance dans sa brogne et jeta le païen de cheval aussi loin que portait le bois de sa lance ; il le renversa dans une ornière de la route, de sorte que le[2] bois de sa lance s’échappa de sa main[3] et qu’il tomba sur le visage. Élie sauta sur le cheval du païen aux yeux de toute l’armée, et poursuivit son chemin. Dieu le protège ! Aucun homme vivant ne peut plus l’atteindre ni se rapprocher de lui, aussi longtemps qu’il voudra fuir, car le cheval[4] n’a

  1. C B D de le prendre en aide.
  2. C B D sa lance.
  3. A C ses mains.
  4. C B D était plus rapide que tout autre cheval [D bête].