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la saga d’élie

et à lire, pour que tu deviennes prêtre ; et tu chanteras et liras ici dans notre monastère avec les autres moines. »

« Sire, » dit Élie, « vous me blâmez beaucoup ! Permettez-moi plutôt de partir ! Par Dieu, qui m’a créé par sa grâce, je ne veux prendre avec moi ni votre cheval ni aucun chevalier[1] : je préfère partir seul et aller à pied. Je croyais être un riche homme et avoir à attendre dans l’avenir beaucoup d’honneur, de puissance et de revenu ; mais maintenant, vous m’avez déshérité complètement, de sorte que je n’ai plus le droit de disposer même d’un denier de tout ce que je croyais posséder. Puisque vous vous êtes ainsi détourné de moi, que Jésus-Christ, en échange, m’accorde sa grâce ! » Sur ces mots, il sortit ; et quand il fut arrivé au bas des degrés de la salle, son père courut après lui, le saisit par son manteau, et le retint et lui parla : « Vaurien, » dit-il, « je te jure par mon chef que, quoi qu’il arrive[2], tu ne partiras pas ainsi ! Je veux auparavant te donner un[3] équipement et de bons destriers, les meilleures armes de défense qui se puissent trouver et mes plus fidèles chevaliers pour te suivre : je veux aussi te donner de l’argent en abondance, de façon que partout tu puisses vivre largement ; car il est dit et reconnu pour vrai que l’on estime chacun d’après ce qu’on voit de son extérieur. »

(III)

« Sire, » dit Élie, « puisque vous le voulez, donnez-moi au plus vite un cheval et des armes, et faites dresser dans la plaine le pieu chargé des deux écus et de la brogne. Je veux y courir, et je verrai quel coup je puis porter, que cela doive tourner à mon honneur ou à ma honte, et je te le jure par le saint apôtre de notre Seigneur, que les pèlerins vont à pied visiter, je ne dormirai pas plus longtemps sous ton toit, car vous m’avez refusé

  1. C D gens de suite.
  2. quoi qu’il arrive manque C B D.
  3. C D un bon.