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introduction

de notre théorie relative à l’origine folklorique du thème est naturellement une hypothèse[1] ; mais si notre tableau généalogique des versions est juste, Doon de la Roche offre un exemple remarquable des formes diverses, de plus en plus compliquées, que peut revêtir un thème de chanson de geste[2].

Nous avons jusqu’ici négligé de propos délibéré un témoignage dans lequel on pourrait voir le reflet d’une version perdue de Doon de La Roche, différente de toutes celles que nous connaissons, mais qui nous semble plutôt une fantaisie individuelle de jongleur. Il s’agit de passages relatifs à Doon et à sa femme Olive qui se lisaient dans un renouvellement de la chanson de Doon de Nanteuil, actuellement perdu, mais dont le président Fauchet a pris des extraits qui ont été publiés par Paul Meyer[3]. On y lit (p. 22 de l’article de P. Meyer) :

  1. On pourrait encore supposer que l’auteur du poème archétype avait présent à l’esprit, non le conte populaire lui-même, mais la forme primitive de la Naissance du Chevalier au Cygne, conservée dans le Dolopathos et dans laquelle, comme nous l’avons vu, ce conte est utilisé et modifié : la coïncidence curieuse que la sœur des frères métamorphosés en cygnes va visiter sa mère, enterrée à mi-corps dans la cour du château, de même que Landri, dans N, découvre sa mère dans la prison affreuse où elle a été enfermée, serait un argument l’appui de cette façon de voir. Mais la chanson primitive de la Naissance du Chevalier au Cygne était-elle antérieure au Doon de la Roche primitif ?
  2. On pourrait objecter à notre théorie que, F étant probablement antérieur à l’an 1204, et notre classement postulant deux poèmes français perdus, le poème primitif devrait vraisemblablement se placer avant 1150. Cela peut paraître une date bien ancienne pour une chanson qui ne contient aucune donnée historique. Mais on pourrait répondre en citant l’exemple de la chanson archétype d’Ami et Amile, qui ne contient pas non plus d’éléments historiques et qui n’en est pas moins fort ancienne, probablement antérieure à l’an 1100 (voir J. Bédier, Les Légendes épiques, II, 179.
  3. Romania, XIII (1884), 1-26.