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introduction

qui remplaçait les deux fils et la fille qui figurent dans les versions bien conservées du conte. Il emprunta les détails de ces actions, soit à la tradition populaire (l’objet magique volé aux nains), soit à d’autres chansons de geste (les enchantements de la marâtre), ainsi que nous l’avons exposé plus haut. Quant au début du récit, comme la version du conte[1] (la mère accusée d’avoir mis au monde des chiens) lui paraissait par trop enfantine, il la remplaça par l’histoire de la femme accusée faussement d’adultère et du pseudo-amant introduit dans le lit, histoire alors répandue et qui était peut-être, ainsi que nous l’avons indiqué plus haut, un thème international, d’origine arabe.

Ce poème primitif (O1), dont l’action se retrouve, quant aux données essentielles, dans N, fut profondément remanié, surtout en ce qui concerne la seconde partie (les aventures du fils) : le résultat de ce remaniement fut le second poème perdu (O2), dont E nous a conservé les lignes principales. L’auteur de ce poème jugeait que le rôle du jeune Landri était à la fois trop fantastique et trop peu développé : afin de pouvoir y introduire les aventures lointaines et les récits de guerre qui lui plaisaient[2], il fit intervenir un autre thème, que M. Benary (p. 368 de son mémoire) appelle celui de « l’exil » et qui a été défini, avec une heureuse préci-

  1. Qu’on retrouve dans le Chevalier au Cygne, le Miracle du Roi Thierry et Theseus de Cologne.
  2. Ceci se rapporte à la seconde partie du poème ; quant à la première, les malheurs de la mère, il est difficile de s’en faire une idée nette, le rédacteur espagnol ayant beaucoup changé. Il est cependant probable que l’adoucissement des données primitives et barbares du récit, en ce qui concerne le traitement infligé à la mère calomniée, adoucissement nettement marqué dans F, était déjà indiqué dans O1. Un pareil adoucissement des données primitives se retrouve dans le poème sur la Naissance du Chevalier au Cygne, publié par Todd, quand on le compare au récit archétype, que nous a conservé le Dolopathos.