Quant à la date, on a pu remarquer[1] que M. Meyer, en 1878, était d’avis qu’on ne pouvait guère la faire descendre plus bas que la fin du xiie siècle. Il attachait une importance spéciale au fait que le poème était entièrement écrit en assonances ; s’il avait pu traiter la question à fond, il aurait sans doute fait valoir d’autres arguments, empruntés à la langue : c’est ainsi que nous avons vu plus haut que, comme des poèmes qu’on tient habituellement pour antérieurs à l’an 1200, Orson de Beauvais, Jourdain de Blaie, notre chanson n’admet que très rarement la contraction d’eü et eu ou u. — M. Meyer avait noté le passage de notre chanson où Landri et ses compagnons, arrivés à Constantinople, s’émerveillent de la richesse[2] et de la force de la ville (v. 1390 et suiv.) :
Et dit li uns a l’autre : « Povre terre est de France :
Li sires qui la tient par droit niënt s’en vant[e] ;
Mais servons bien cestui s’il vuet et il commande,
Que il n’a souz ciel homme qui tant ait ars ne lances,
Qui peüst ceste vile ne abatre ne prendre ».
Comme M. Meyer le faisait remarquer, l’observation que Constantinople est imprenable « date d’avant 1204 » ; en effet, après la prise de la ville, en cette année, par les Croisés, la remarque n’eût plus eu de sens. — Le raisonnement serait absolument probant si le poème que nous a transmis le manuscrit de Londres était une œuvre originale mais nous verrons plus loin que l’auteur a travaillé d’après une chanson plus ancienne, dans laquelle il était également question du séjour de Landri à Constantinople ; il reste la possibilité que le