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doon de la roche

permet une constatation plus précise : c’est un fait distinctif des dialectes de l’Est, opposés à ceux de l’Ouest et du Nord[1]. — Nous avons noté, dans les assonances en a-e, un prétérit en -arent au v. 3615 : ces formes sont caractéristiques des dialectes de l’Est et du wallon[2]. — Li, comme article singulier féminin, n’est pas aussi nettement délimité, mais se rencontre dans les dialectes de l’Est[3].

À ces constatations, tirées de la langue, viennent s’en ajouter d’autres, tirées du contenu du poème. L’auteur se montre spécialement préoccupé de l’Est, de la vallée du Rhin. C’est là qu’il place en grande partie l’action de son poème : il parle des villes du Rhin, de Worms (Gormaise), de Spire (Espire), de Mayence, de Cologne[4]. Il sait que ces villes remontent à une haute antiquité ; il dit de Mayence (v. 3838) :

Mais la citez est forte, Sarrazin la fonderent.

« Sarrazin » ici équivaut à « Romains ». Il sait qu’il y a à Cologne un archevêque et une église Saint Pierre[5].

Tout cela plaide en faveur d’une origine orientale de la chanson que nous a conservée le manuscrit de Londres.

  1. Ed. Schwan et D. Behrens, Gramm. de l’anc. franç., trad. O. Bloch (Leipzig, 1913), § 42.
  2. Ouvr. cité, § 355.
  3. Ouvr. cité, § 333.
  4. L’original immédiat sur lequel travaillait l’auteur du poème conservé avait également placé une partie de l’action dans la vallée du Rhin ; il mentionnait Cologne (voir le chapitre suivant). Mais, à en juger par l’imitation espagnole, les noms empruntés à cette région étaient bien moins nombreux dans ce poème que dans la rédaction qui nous est parvenue.
  5. Il est vrai que cette église est mentionnée dans d’autres chansons de geste ; voir la Table de M. E. Langlois, au mot Saint-Pierre.