Page:Annuaire encyclopédique, IX.djvu/380

Cette page n’a pas encore été corrigée

f 751 V ■ ! ■ GRÈVE ’("732)"

La grève a donc pour artisans, pour-ipromoT ■’ teurs, l’ouvrier médiocre, ou paresseux ; ou intempérant, quelquefois un ambitieux qui, " dans un intérêt personnel, peut-être avec de secrètes visées politiques, cherche à exercer sur une masse ignorante l’influence qui résulté d’une certaine intelligence. Au surplus, les faits ont pronpncé : les violences exercées jusqu’à la brutalité, jusqu’à la cruauté même, centre les ouvriers restés fidèles aux patrons, tant en France qu’en Angleterre, mais dans ce dernier pays surtout, où l’histoire des grèves est déjà ancienne, prouvent sans réplique qu’elles sont le plus souvent la violation flagrante dé la liberté du travail, de la liberté individuelle.

On peut donc douter que le législateur français ait été heureusement inspiré lorsqu’en 1865, au mépris des enseignements fournis par un grand pays voisin, il faisait à nos ouvriers le don fatal du droit de coalition. Il ne pouvait ignorer, en outre, à cette époque, par les aveux de quelques orateurs des congrès socialistes, l’existence d’une ligue ouvrière en Europe, ligue armée en guerre contre Y odieux, contre l’infâme capital. Faisait-il bien, en outre, un acte de prévoyance, lorsqu’à l’épreuve, redoutable pour notre industrie mal préparée, de la liberté commerciale récemment décrétée, il joignait celle des exigences inévitables d’une main-d’oeuvre disposée à porter immédiatement à ses dernières limites l’usage du droit de coalition ? ...

« Les grèves, avait-on dit au Gorps législatif, n’ont pas empêché l’industrie anglaise de prendre le "développement énorme que l’on connaît. » ’.-"’■

Mais les auteurs de cette observation se- rendaient-ils un compte exact des différences profondes qui séparent, au point de vue de son "" organisation, l’industrie des deux pays ? ! En Angleterre, -elle se concentre dans un petit nombre de vastes établissements, disposant, en capitaux.ou facilités de crédit, de ressources considérables, et pouvant ainsi supporter aisément les.-sacrifices que leur inflige une interruption de travail dont le maximum ara renient dépassé deux mois.

En Angleterre, par suite d’un accord.déjà ancien entre les patrons, les commandes dont la grève arrête l’exécution, sont confiées, par l’usinier mis en interdit, aux confrères qui pnt cpnservé leurs euvriérs.

Une hausse de la main-d’oeuvre n’a pas,

d’ailleurs, d’effet très-sensible dans un pays eu , . ; les autres conditions de la production (outillage, ^matière première, combustible, facilité et^bon y marché des transports), sont exceptionnellement favorables, et où l’immensité des ; débouchés permet au fabricant de se contenter d’un bénéfice minime sur chaque opération.

En Angleterre, par suite de, la puissance et du perfectionnement incessant de l’outillage mécanique, l’industrie empleie beauceup moinsde bras, à production égale, qu’en France. Le fabricant.peut~’donc repeupler d’autant plus aisêmenl ses ateliers, qu’ils exigent moins de bras, et que la machine tend de" plus en plus à les remplacer.

Les patrons se prêtent, en Angleterre, un autre mode d’assistance que l’exécution réciproque des commandes arrêtées par la grève ; ils ont pris depuis longtemps l’engagement de né jamais recevoir dans leurs usines les meneurs, les chefs des mouvements grévistes, et celte convention, bien connue des ouvriers, rigidement appliquée d’ailleurs, exerce sur eux une influence salutaire.

L’assistance publique est, en outre, . impitoyablement refusée à toute famille dont le chef s’est volontairement privé de ses moyens d’existence en désertant l’atelier ’qui le faisait vivre. Autre obstacle aux grèves et puissante incitation à leur prompt dénomment.

Il faut encore, en ce qui concerne l’Angleterre, tenir cempte dé ce fait important, que, par suite des encouragements donnés depuis quelques années à l’émigration, à la feis par les gouvernements coloniaux, par celui de la métropole, enfin-par des sociétés spéciales-de bienfaisance, l’ouvrier se sent de moins en moins disposé à recourir à la grève pour obtenir une plus-value de son travail. Il est assuré, en effet, de treuver, soit aux Étals-Unis, soit dans les nombreuses et florissantes colonies anglaises de l’Amérique du Nord ou de l’Australie, ’ un travail constant et largement rémunéré, avec une vie matérielle moins chère. Or ce puissant exutoire de l’émigration, qu’on a appelé avec- raison la soupape de sûreté de ! la société anglaise, n’existé pas en France. À peine si 4 ou" 5,000 de nos ’ compatriotes quittent, chaque année, le sol natal pour aller chercher, soit en Algérie, soit dans les deux Amériques, une destinée meilleure.

Aussi- en Francé l’industrie est bien loin de pouvoir lutter aussi efficacement contre les grèves. Tout le monde sait notamment qu’elle s’y répartit entre un grand, un trop grand nombre de petits établissements à ressources très-limitées, à frais généraux très-élevés, ne renouvelant que très-lentement et très-difficilement d’outillage arriéré, étroitement attachés à d’anciens procédés de fabrication, et que le moindre trouble dans les conditions habituelles de leur existence peut désorganiser. complètement...".(

Les grèves françaises diffèrent, en outre, à un point de vue essentiel de celles d’outre-Mariehe : elles sont empreintes d’un sentiment socialiste très-caractérisai En Angleterre, l’ou-