Page:Annuaire encyclopédique, IX.djvu/1117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
(2225)
(2226)

Les perquisitions qu’on fit au domicile des banquistes et de certains membres de l’Internationale, à Montmartre, à Grenelle, à Batignolles, à Belleville, à la Glacière, amenèrent presque partout des découvertes de bombes, car, d’après les statuts de la société des Saisons, chaque adhérent devait marcher avec une bombe. Le dépôt le plus considérable était celui de Lapye, qui fabriquait des bombes à Montmartre, pour la mort des Prussiens, avec des fonds de la ville et du gouvernement, sous la direction de M. Clémenceau. On en recueillit là 12,000. Ce Lapye avait été tué par une de ses bombes au commencement du mois d’octobre 1870. Chez Fontaine, il n’y en avait que 1,500. — Beaucoup de ces bombes étaient chargées, et ce n’était pas une opération sans danger que de les enlever. On les transportait à Vincennes, où on les faisait éclater dans le puits de l’artillerie.

En faisant disparaître ces engins de destruction, M. Cresson rendit à Paris un éminent service. Il en aurait rendu de plus grands encore, depuis le commencement de novembre jusqu’au 10 février, jour où il donna sa démission, si certains membres du gouvernement n’avaient pas montré pour les chefs révolutionnaires une complaisance qu’ils durent regretter plus tard. Le parquet lui-même participait à l’indulgence excessive des chefs du pouvoir. « Nous avons été bien peu soutenus par l’autorité judiciaire, — dit dans sa déposition M. Ansart, chef de la police municipale ; — quand notre rôle était terminé, quand la préfecture de police avait livré à la justice les principaux coupables, on les relâchait et nous sentîmes très bien que le parquet entravait plutôt notre action qu’il ne la favorisait. Tous les hommes du 31 octobre furent mis en liberté ou jouirent de permis de communiquer qui rendaient les recherches illusoires. Ils étaient couverts par leurs relations antérieures avec certains membres du gouvernement. On cherchait à présenter l’affaire sous le jour qui leur était le plus favorable. » M. Cresson a rendu le même témoignage. Il a déclaré à plusieurs reprises que la plupart des hommes qui jouèrent les principaux rôles dans le comité central et dans la commune, avaient tous été entre les mains de l’autorité, mais que finalement ils avaient été remis en liberté, les uns par l’influence de quelques membres du gouvernement, les autres par la justice civile et même par les conseils de guerre. M. Emmanuel Arago avait voulu, à toute force, faire relâcher Félix Pyat, qui lui avait écrit : « Quel malheur que je sois ton prisonnier ! tu aurais été mon avocat. » Cerisier, l’assassin des dominicains, arrêté le 22 janvier et qui devait être fusillé, parce qu’il avait commandé le feu, fut sauvé par M. Jules Ferry. M. Choppin s’est exprimé de la même manière : il rappelle que le procureur de la république refusa, quoiqu’il l’eût formellement requis, de poursuivre, en mars 1871, Léo Meillet et Duval. M. Picard n’a pas été moins affirmatif dans l’enquête. Voici ses propres paroles. « Si la justice avait fait son devoir, si elle avait déclaré que les hommes du 31 octobre avaient commis un attentat politique inexcusable, je crois que les choses auraient pris une autre tournure. Il y a eu une sorte de défaillance sous ce rapport. Le parquet pensait qu’il ne devait pas poursuivre un crime politique et qu’il était désarmé par l’état de siège. Je crois que si l’on eût pris 2 à 300 chefs de la commune, et qu’on les eût fait passer sous les rigueurs de la loi, il y aurait eu là un exemple qui aurait frappé les imaginations plus que les exécutions sommaires et les transportations en masse que quelques personnes demandaient. » — « Ni les conseils de guerre ni les cours martiales ne condamnaient, dit de son côté le général Trochu. » Cette faiblesse provenait de ce que le gouvernement du 4 septembre se considérait essentiellement comme un gouvernement d’opinion publique. Il ne voulait agir que par l’opinion et sur l’opinion. On l’a souvent accusé de violer toutes les libertés ; la vérité est qu’il les respecta jusqu’à la licence, et qu’armé de la loi rigoureuse de l’état de siège, il en menaça quelque fois et ne la fit jamais sentir à la population parisienne.

IV. Paris après l’armistice. — Agitation populaire. — Le ravitaillement. — Le froid. — Les élections du 8 février. — Contribution de guerre de 200 millions. — Quand entreront les Prussiens ? — La question du désarmement de la garde nationale. — Situation morale. — Statistique de la misère par arrondissement. — Le comité central et ses origines. — Fédération. — Le 24 février et les troubles de la Bastille. — La grande alerte. — L’enlèvement des canons. — Les pillages d’armes et de munitions.

Une agitation énorme régnait dans Paris après la convention d’armistice du 28 janvier ! Le désarmement des forts et celui de l’armée, qui commencèrent le lendemain, la rentrée des troupes dans Paris, la vue du drapeau prussien flottant sur les défenses avancées de la capitale, étaient un spectacle navrant qui ajoutait encore à l’exaspération populaire. Le pain, la viande, les légumes, tout manquait encore ; le ravitaillement, préparé avec une activité incessante, ne répondait pas aux besoins, qui étaient immenses, et une foule impatiente se précipitait, le 30 janvier, sur les halles, qu’elle mettait au pillage. Ce désordre continua le lendemain, 1er  février. Le froid persistait et ajoutait par sa rigueur aux souffrances déjà si grandes de la population. Un service fut organisé dès le 2 février, pour