Page:Annuaire encyclopédique, IX.djvu/1019

Cette page n’a pas encore été corrigée

("2029.’) ’ (2030)

partie du territoire des incursions audacieuses des cavaliers ennemis et des petits détachements qui se répandaient dans toutes les directions pour réquisitionner et piller. Mais les milices citoyennes inspiraient peu de confiance au gouvernement ; elles avaient été presque partout supprimées et désarmées dès le commencement de l’empire. L’opposition réclama avec énergie, dès lè.18 juillet 1870, l’armement des gardes nationales, et particulièrement de celles des départements de Test. Les Lorrains et les Alsaciens, disait-on, se défendraient avec une patriotique ardeur si leur pays, était envahi, et ils arrêteraient victorieusement l’ennemi dans les défilés des Vosges. Mais les membres de la gauche et les députés de Test eurent beau insister. M. Emile Ollivier répondait fièrement : « Nous avons une loi pour organiser la garde nationale ; nous l’organiserons quand nous voudrons, où nous voudrons, h Le maréchal Leboeuf déclara, de son côté, qu’en réorganisant partout la garde nationale on ne ferait que s’affaiblir en disséminant les ressources du pays en armes et en munitions. Le Comte de Palikao, qui prit ensuite le portefeuille de la guerre, ne se montra pas mieux disposé. Il fit cependant distribuer des-fusils sa quelques villes de Test ; et la garde nationale de Paris fut augmentée ; mais la France, en masse, resta désarmée, et c’est ce qui explique comment des villes telles que Nancy furent prises par une douzaine de uhlans sans tirer contre eux un coup de fusil.

Lé^gouvernement ne disposait pas, d’ailleurs, à beaucoup près, d’assez de fusils, pour armer toutes les milices citoyennes. Qu’avàit-on fait de tous ceux qu’on avait retirés aux troupes pour leur donner en échange des armes perfecr tionnées ?Il en restait encore beaucoup dans les magasins ; mais on en avait cédé, à vil prix, dés quantités considérables àdes personnes qui les avaient revendues ensuite, en prélevant de gros bénéfices, à différents étals, y compris l’Italie, heureux d’obtenir, dans des conditions exceptionnelles de bon marché, des fusils bien conditionnés ; susceptibles d’une transformation avantageuse. Des voix autorisées s’étaient pourtant élevées pour protester contre cet abus. « Ne nous dessaisissons pas de ces fusils, disait-on, ils sont excellents, et un jour, peut-être, nous serons heureux de les retrouver. » Mais ces sages conseils n’avaient pas été entendus.

Il y avait pour l’armée, au début de la campagne, des chassepots en quantité suffisante ; mais tout le reste manquait ; l’approvisionnement en cartouches et munitions diverses n’était pas en rapport avec les nécessités possibles et probables d’une guerre si sérieuse, dont l’empereur, lui-même, entrevoyait la longue durée. Il en était de même-dès équipages, des

voitures, des cacolets, de tous les moyens de transport, des vivres, des foursdecampagne, etc. On n’a, qu’à Tire, pour s’en convaincre, la longue série des dépêches adressées, dès le début de la campagne, parlous les chefs de corps, sans exception, an maréchal Leboeuf, au ministre de la guerre, aux intendants, pour se plaindre du dénûment où ils se trouvaient. Nous en citerons plus loin quelques-unes.

On a adressé au gouvernement de grands, d’incessants reproches au sujet de l’infériorité de notre artillerie. Nous n’avons pas à nous prononcer sur les mérites respectifs de nos canons rayés et des canons prussiens en acier, se chargeant parla culasse. Lé canon prussien a des défauts bien connus ; mais sa portée estplus grande et son tir plus rapide. Il n’avait tenu qu’à l’empereur d’-en avoir des quantités consirables ; la maison Krupp lui avait fait, en janvier 1868, ses offres de service ; mais il avait cru devoir les repousser. Il attachait une importance, évidemment exagérée, à des inventions nouvelles, auxquelles il avait participé et qui lui firent négliger, paraît-il, des avis et des propositions qu’il aurait dû prendre en grave considération. Telle était la mitrailleuse ou canon à balles, qui devait faucher des régiments entiers. Napoléon IITavait été redevable au canon rayé de la glorieuse issue de la campagne do 1859 contre l’Autriche, et il espérait que ses terribles mitrailleuses lui rendraient contre les Prussiens les mêmes services. Mais’ces belles espérances devaient échouer contre la tactique de l’ennemi, consistant à ne livrer, autant que possible, que des combats d’artillerie. Les Prussiens paralysèrent de la sorte nos efforts les plus vigoureux ; car leurs innombrables canons, balayaient tout à cinq ou six kilomètres en avant ; notre infanterie, qu’ils redoutaient, et nos chassepots, dont ils connaissaient la supériorité, perdirent leur valeur, et il en fut ainsi des mitrailleuses, donl la bonne portée est d’environ douze cents mètres.

La victoire a. un grand prestige, et les Prussiens, d’abord si honnis, devinrent après nos désastres, l’objet d’une admiration sans bornes. On leur attribuait toutes-les qualités réunies, et Ton abaissait dans la même proportion celles de noire propre armée. Le moindre soldalprussien était supérieur à nos sous^-officiers ; le rejoindre sergent en aurait remontré à nos meilleurs lieutenants ; les officiers de Tétal-major allemand apparaissaient comme d’inimitables modèles, et tous les généraux ennemis étaient, pour le moins, des Turennes. La vérité est que l’armée française était, à bien des égards, supérieure à celle du Toi Guillaume.- Elle fut vaincue par un concours inouï de circonstances extraordinaires et fatales, après avoir combattu héroïquement à un contre trois et