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commerciales et monétaires, devant le Conseil supérieur du commerce, présidé par S. Exe. le ministre d’état ? Nous ne le croyons pas, à en juger par les-paroles de M. Bxmland ; « cette enquête, dit-il, a jeté la plus vive lumière sur toutes les questions controversées. ».—Or, cette lumière a consisté à rejeter systématiquement dans l’ombre toutes les objections et les réformes suggérées par la discussion publique (1). — « La Banque de France, ajoute M. Soûlaud, peut enfin, grâce à cet heureux résultat, continuer son œuvre si utile et si féconde sans redouter d’injustes récriminations et de déplorables préjugés, et rien ne viendra, désormais affaiblir les liens qui la rattachent si étroitement au commerce el à l’industrie de la France.... » et « à la politique », aurait dû dire l’honorable directeur, pour se tenir exactement dans le vrai.

Mais il est difficile de concilier la pompe de ce langage avec l’aveu beaucoup plus modeste, qu’est amené à faire M. Rouland, lorsqu’il s’agit d’expliquer l’infériorité relative du dividende de 1868 : en ce cas, « la Banque de France n’est que le réflecteur exact du marché monétaire. Ellen’est pas maîtresse non plus de la direction des affaires commerciales et industrielles, et elle doit accepter la situation générale » Nous avons de la Banque de France

une plus haute idée que celle de cette espèce de baromètre financier auquel l’assimilé M. Rouland ; mais nous croyons que dans l’état actuel, et par les règles de conduite dont elle ne veut point se départir, elle est plutôt propre à "aggraver les crises qu’à les atténuer. C’est là le reproche capital et universel qui lui a été . adressé, et il est fondé. Avec cette sensibilité pusillanime qui lui fait resserrer son crédit à la moindre alerte, elle ajoute à la panique qui est l’effet, sinon la cause de toutes les crises, et elle y ajoute toute la quantité qui est l’attribut de sa masse. Nous voudrions plutôt comparer cette grande institution de la Banque au volant de la machiné, qui reçoit toute la force, mais pour la régulariser et la distribuer toute, et qui parvient ainsi à établir la continuité du mouvement, malgré les défaillances du principe moteur. Tant qu’il n’en sera pas ainsi, la Banque de France pourra bien, dans les documents officiels, couvrir d’éloges son désintéressement el sa libéralité ; elle n’en aura pas moins le caractère, les moeurs, les coutumes et lesidées d’un établissement privé, à qui l’état a donné de magnifiques privilèges, et qu’il lui fait trop souvent payer à beaux deniers comptant. P. M.

BARRAULT (EMILE). — Né en 1802, Emile Barrault venait de terminer ses études de droit

(1) Voir, à ce sujet, l’Annuaire 1867, article BANQUES (RÉGIME DES),

quand il arriva vers 1830 à Paris, .n’ayant pour tout bagage que son titre d’avocat, son intelligence et son besoin d’activité. A ia révolution de la rue succédait alors une singulière évolution dans les esprits ; tandis que le peuplé, toujours héroïque et inconséquent, — rentrait dans ses ateliers et dans ses mansardes, laissant aux mains de la classe moyenne l’oeuvre pour laquelle il avait Versé son sang, de hardis novateurs venaient tout à coup mettre en question les bases mômes de la société moderne, et préconiser les théories de Saint-Simon, deFourier et de Robert Owen. Emile Barrault, que l’étendue de ses connaissances et son éloquence saisissante etpersuasiveavaientbiêntôtfait remarquer du Père Enfantin et des autres adeptes du saint-simonisme, prit rang parmi les plus habiles défenseurs de l’école nouvelle, et sa lutte brillante contre le philosophe Azaïs eut un grand retentissement.

Lorsque la discorde vint se mettre bientôt dans la communauté saint-sidonienne, Emile Barrault resta fidèle à son drapeau ; et, quand la maison de Ménil montant eut été fermée par la police, il partit pour l’Égypte avec plusieurs de ses coreligionnaires afin de procéder à une des plus grandes œuvres de ce siècle, au percement de l’isthme de Suez. On sait que Mêhémet-Ali, bien que très-favorable à ce projet, l’abandonna pour consacrer tous ses efforts au barrage du Nil. Les saints-sidoniens le secondèrent dans cette tâche. De retour en Europe vers 1839, il prit alors une certaine part aux luttes politiques, et publia à plusieurs reprises des brochures qui firent sensation.

En 1848, la royauté de juillet succombait à son tour, et la république, proclamée le 24 février, remettait à l’ordre du jour la question sociale jadis soulevée par les saints-sidoniens. Emile Barrault rentra dans l’arène, se présenta sans succès aux élections de Paris, mais publia, de 1848 à 1849, une série de lettres politiques dans lesquelles il essayait de concilier la solution des difficultés du moment avec une application approximative des principes de l’école saint-sidonienne. Disons-le, le public n’accueillit guère ces derniers manifestes d’Une école abandonnée déjà de la plupart de ses adeptes, et Emile Barrault dut se résoudre à employer autrement son activité et son intelli- gence. Viennent les événements de décembre 1851 et cette longue période pendant laquelle la France sembla ne plus avoir d’autre préoccupa- tion que ses intérêts matériels, d’autre passion. que les spéculations d’argent. C’est le moment, du grand essor des entreprises financières,)’ et Emile Barrault se mêle activement à deux ’ grandes affaires, le canal de Suez, dont Enfantin n’avait pas cessé de poursuivre la réalisation, et le chemin de fer du nord de l’Espagne