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aux yeux de ceux qui en désiraient la consolidation : le vœu qui avait été exprimé par le sénat de voir bientôt la dynastie napoléonienne affermie par un mariage n’était point encore rempli. Depuis le voyage de Strasbourg, que le prince-président avait prolongé jusqu’à Bade, on s’était plus d’une fois entretenu dans la presse étrangère de la probabilité d’une alliance matrimoniale avec une princesse de sang royal. On avait prononcé le nom de la princesse Carola Wasa, petite-fille, par sa mère, de la grande-duchesse de Bade Stéphanie de Beauharnais, et par son père, de Gustave IV, roi détrôné de Suède, mort dans l’exil.

Il existait dans les hautes régions du monde parisien une jeune Espagnole d’une grande naissance et d’une beauté supérieure unie à l’originalité séduisante d’un caractère viril sans le paraître, Mlle Eugénie de Montijo, comtesse de Teba. C’est sur cette éminente personne que Napoléon III, renonçant à la pensée d’épouser une princesse de sang royal, avait jeté les yeux, et le sentiment qui le poussait vers cette union prit une telle fermeté, que l’on put croire qu’il obéissait aux conseils d’une romanesque passion. Quoique ce mariage ait eu son côté politique et que l’empereur ait tenu à le faire lui-même ressortir, il est certain en effet que la nature eut plus de part dans cet événement inattendu que le calcul.

C’est le 16 janvier 1853 que l’on apprit officiellement que la résolution de l’empereur était fixée. Le bureau du sénat, celui du corps législatif et le conseil d’état tout entier étaient convoqués pour le 22, afin de recevoir une communication de l’empereur sur son mariage. On était impatient d’apprendre en quels termes le chef de l’état allait s’exprimer sur un acte aussi grave, et qui dérogeait aux idées reçues parmi les souverains. L’empereur aborda la difficulté de front. Après avoir dit qu’il se rendait au vœu si souvent manifesté par le pays en venant annoncer aux grands corps de l’état son mariage, il ajouta que l’union qu’il contractait n’était pas d’accord avec les traditions de l’ancienne politique, mais que c’était là son avantage. Dans le développement qu’il donna à cette pensée, toutes ses paroles méritent d’être recueillies :

« La France, dit-il, par ses révolutions successives, s’est toujours brusquement séparée du reste de l’Europe : tout gouvernement sensé doit chercher à la faire rentrer dans le giron des vieilles monarchies ; mais ce résultat sera bien plus sûrement atteint par une politique droite et franche, par la loyauté des transactions, que par des alliances royales qui créent de fausses sécurités, et substituent souvent l’intérêt de famille à l’intérêt national.

« D’ailleurs, les exemples du passé ont laissé dans l’esprit du peuple des croyances superstitieuses ; il n’a pas oublié que depuis soixante-dix ans les princesses étrangères n’ont monté les degrés du trône que pour voir leur race