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simple d’écarter. Dans tous les cas, on rendait plus compliquées les démarches que le cabinet français avait à faire pour obtenir des gouvernemens européens la reconnaissance de l’empire. Enfin une phrase du rapport de M. Troplong au sénat sur le projet de sénatus-consulte, et d’après laquelle le nouvel empire aurait reposé sur un droit héréditaire rétrospectif, pouvait sembler, à des yeux prévenus, une justification suffisante des objections que soulevait ce titre de Napoléon III. Comment allait-on aborder les difficultés de diverse nature que créaient à la fois les craintes entretenues par quelques cabinets sur les intentions du nouvel empereur et le peu de penchant que montraient certains gouvernemens à admettre le chiffre dynastique sous lequel il plaçait son règne ?

Le retour à l’empire étant un acte de législation intérieure et de souveraineté nationale, la France avait seule qualité pour en apprécier la convenance. Il ne parait pas que ses agens au dehors aient reçu mission de faire, à l’occasion de cet événement, aucune ouverture aux cabinets étrangers, ni qu’on les en ait entretenus officiellement avant la notification d’usage qui dut leur être adressée à la suite du fait accompli de ce changement dans la forme du pouvoir suprême. Tout ce que l’on peut deviner à travers les explications qui ont eu lieu dans le parlement britannique, c’est que M. Drouyn de Lhuys n’aurait point refusé d’entrer en pourparlers avec les ministres étrangers à Paris au sujet des objections que soulevait de la part de quelques cabinets le titre de Napoléon III. L’un des principaux buts du discours de l’empereur en recevant des mains des grands corps de l’état, le 1er décembre, le plébiscite qui lui conférait la couronne fut aussi de répondre aux commentaires dont ce titre avait été l’objet, surtout depuis le rapport de M. Troplong au sénat. Vraisemblablement divers cabinets, celui de Londres, avaient craint de voir le nouvel empereur rejeter ou décliner les engagemens contractés par les gouvernemens interposés historiquement entre le sien et le premier empire. On doit croire du moins que telle a dû être la nature de l’objection opposée au chiffre dynastique du troisième Napoléon, d’après le soin que prend l’empereur, en présence des corps constitués, de repousser toute pensée d’imiter Louis XVIII, qui, non content de supposer l’existence historique de Louis XVII, avait rayé d’un trait de plume la république et l’empire en datant la charte de la dix-neuvième année de son règne. Si l’empereur eût prétendu procéder comme Louis XVIII, évidemment ce n’est point par le chiffre III qu’il eût désigné son rang dans la dynastie des Bonapartes : il eût affirmé à priori le règne de Joseph et le règne de Louis son père, et se fût appelé Napoléon V. C’est ainsi du moins que raisonnait le cabinet de Paris.