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royaume de Belgique, le changement introduit dans les rapports de la Russie et de la Pologne, la suppression de la république de Cracovie, tant d’efforts faits par la Prusse de 1848 et 1850 pour transformer le pacte germanique, enfin le projet mis en avant par l’Autriche, en 1851, d’introduire toutes ses provinces dans la confédération et de bouleverser non-seulement l’équilibre intérieur de l’Allemagne, mais toute l’organisation internationale créée par les traités de 1815. Vainement donc eût-on prétendu invoquer contre le rétablissement de l’empire des traités négligés en 1830 par les puissances européennes en ce qui regarde la famille de Bourbon, altérés même à différentes époques dans leurs stipulations territoriales et hier encore menacés par les ambitions rivales de la Prusse et de l’Autriche.

Il était incontestable néanmoins que le retour de la France à l’empire contenait une réaction implicite contre l’esprit des traités de 1815, et le prince-président ne l’avait point dissimulé dans le message qu’il avait adressé au sénat le 4 novembre. Ne point faire publiquement ressortir ce caractère du grave changement qui allait s’introduire dans l’histoire et les institutions du pays, c’eût été, après tout, renoncer à un avantage moral auquel la France devait tenir, à une satisfaction qu’elle pouvait se permettre. En même temps il était nécessaire de prouver à l’Europe que le nouvel empire se fondait sans aucune pensée belliqueuse, sans intention de troubler la paix internationale. Le prince-président avait compris d’avance cette nécessité, et c’est en vue de l’Europe aussi bien que de la France qu’il avait dit à Bordeaux : « L’empire, c’est la paix. »

Il devait toutefois se présenter une difficulté que l’on eût pu écarter et qui allait fournir à quelques cabinets le prétexte d’observations au premier abord spécieuses. La qualification de Napoléon III, mise en avant dans les manifestations populaires dont le voyage du prince dans le midi avait été l’occasion, avait été acceptée par le futur empereur comme un hommage rendu aux traditions impériales et comme une sorte de convenance dynastique. Il est certain que la France pouvait, sans forcer l’interprétation des événemens de 1815, placer le nouveau Napoléon au troisième rang dans la dynastie impériale. Napoléon II, si éphémère qu’ait été son règne, a pourtant régné ; il a été du moins légalement proclamé le 23 juin 1815 par les deux chambres, le 24 par la commission de gouvernement, et successivement par les autorités départementales. Cependant aucune puissance européenne ne l’a reconnu ; ce règne, qui figure dans notre histoire, n’est accepté par aucun des gouvernemens étrangers, et demander à l’Europe de reconnaître le titre de Napoléon III, c’était vouloir qu’elle admit implicitement Napoléon II. On allait peut-être éveiller chez elle des scrupules et lui fournir des prétextes qu’il eût été plus