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à partir de la mort du prince Schwarzenberg. Pendant que l’Angleterre, revenue d’un premier mouvement de regret témoigné en faveur du principe parlementaire et appréciant les intentions pacifiques exprimées par le prince Louis-Napoléon, se rapprochait sensiblement de la France, les cabinets du continent montraient une tendance particulière à se préoccuper des souvenirs belliqueux que le retour aux symboles et aux principes de l’empire rappelait à leur imagination. Les mêmes préoccupations s’étaient produites avec une certaine vivacité chez nos voisins d’outre-Manche ; mais elles n’avaient été que passagères ; elles avaient bientôt fait place à des dispositions plus amicales et plus confiantes. Dans certains pays du continent, elles suivaient une autre marche. La satisfaction et la confiance spontanée des premiers jours avaient diminué sous l’influence de craintes conçues à priori et qui menaçaient de devenir permanentes.

Ces symptômes toutefois n’avaient rien dont le gouvernement français se dut alarmer. Le cabinet de Paris, dirigé pour les affaires étrangères par M. Drouyn de Lhuys, que le prince-président avait appelé à remplacer M. Turgot à la fin de juillet 1852, au moment même où l’empire devenait certain, se trouvait, par ce choix, en mesure de faire face aux circonstances plus délicates qui se préparaient. Il pouvait tenir avec autorité le langage de la modération et de la paix, et au besoin opposer des sentimens fermes et dignes aux difficultés que l’on aurait pu être tenté de lui susciter.

On avait parlé des traités de 1814 et 1815 ; mais ces traités ne pouvaient fournir aucun argument décisif contre le rétablissement de l’empire en France. Sans doute les conventions signées par les gouvernemens coalisés, depuis le traité de Chaumont du 1er mars 1814 jusqu’à celui de Paris du 20 novembre 1815, ont pour principal objet de fermer l’avenir à la famille Bonaparte et de perpétuer sur le trône celle des Bourbons ; sans doute, par le traité de Fontainebleau du 11 avril 1814, l’empereur a lui-même renoncé à la couronne de France pour lui et ses successeurs ainsi que pour chacun des membres de sa famille ; mais appartenait-il à l’empereur Napoléon, en abdiquant, d’interdire à la France le choix d’un souverain parmi ses descendans ? Appartenait-il aux puissances d’enchaîner la liberté intérieure d’un peuple indépendant ? Vis-à-vis des cabinets, le principe de la souveraineté nationale devait dominer toutes les considérations. Dans la pratique même, l’Europe n’en a-t-elle pas reconnu l’autorité en laissant tomber sans protestation, en 1830, cette même dynastie des Bourbons dont l’avenir était fondé sur l’exclusion perpétuelle des Bonapartes ? Nous ne dirons rien des autres atteintes portées à ces conventions ; nous passons sous silence la création du