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à son juste orgueil : ce rétablissement garantit ses intérêts en assurant l’avenir, en fermant l’ère des révolutions, en consacrant encore les conquêtes de 89. Il satisfait son juste orgueil, parce que, relevant avec liberté et avec réflexion ce qu’il y a trente-sept ans l’Europe entière avait renversé pat la force des armes au milieu des désastres de la patrie, le peuple venge noblement ses revers sans faire de victimes, sans menacer aucune indépendance, sans troubler la paix du monde. Je ne me dissimule pas néanmoins tout ce qu’il y a de redoutable à accepter aujourd’hui et à mettre sur sa tête la couronne de Napoléon ; mais mes appréhensions diminuent par la pensée que, représentant à tant de titres la cause du peuple et la volonté nationale, ce sera la nation qui, en m’élevant au trône, se couronnera elle-même. »

Ce message ne manquait ni d’habileté vis-à-vis de la nation, ni de fierté vis-à-vis de l’Europe. La pensée qui l’avait dicté servit à diriger le rapporteur de la commission sénatoriale, M. Troplong, dans le travail développé à l’aide duquel il expliqua et commenta les changemens constitutionnels proposés au sénat, avant d’exposer ces changemens, M. Troplong voulut justifier par des considérations de métaphysique politique la curieuse transformation qui s’accomplissait. Après les grands ébranlemens sociaux, il arrivait toujours, selon le rapporteur de la commission, que les peuples se jetaient avec joie dans les bras de l’homme fort que leur envoyait la Providence. C’est la fatigue des guerres civiles qui avait fait la monarchie du vainqueur d’Actium ; c’était l’horreur des excès révolutionnaires autant que la gloire de Marengo qui avait élevé le trône impérial. » Au milieu des récens dangers de la patrie, ajoutait M. Troplong, cet homme fort s’était montré au 10 décembre 1848, au 2 décembre 1851, et la France lui avait confié son drapeau près de périr. Au reste, après L’amer sarcasme qui avait mis l’héritier d’une couronne à la tête de la république, il était évident que la France, toujours démocratique par ses mœurs, ne cessait pas d’être monarchique par ses habitudes et ses instincts, et qu’elle voulait le maintien de la monarchie dans la personne du prince qui se révélait à elle comme le conciliateur de deux siècles et de deux esprits, le trait d’union du pouvoir et du peuple, le symbole monarchique de la démocratie organisée. » Cette idée de démocratie couronnée était comme le pivot sur lequel tournaient tous les développemens du rapport. Selon M. Troplong, la monarchie impériale avait tous les avantages de la république sans en avoir les dangers. Les autres régimes monarchiques, dont le rapporteur du sénat se défendait toutefois de vouloir affaiblir les services illustres, « avaient été accusés d’avoir placé le trône trop loin du peuple, et la république, vantant son origine populaire, s’était habilement