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Napoléon ! C’est à Nevers que furent pour la première fois remarquées les inscriptions portant le titre, devenu plus tard officiel, de Napoléon III. Des communes entières défilèrent devant le président de la république avec les mots de vive l’empereur ! attachés sur les chapeaux. Le prince-président aimait d’ailleurs à déclarer qu’il réglerait sa conduite sur les vœux du pays. M. Charles Dupin, sénateur et président du conseil général de la Nièvre, ayant rappelé au prince les vœux que ce corps avait exprimés dans sa dernière session en faveur de la stabilité du gouvernement, vœux, disait-il, sanctionnés par la population entière, le prince répondit en termes significatifs : « Lorsqu’il s’agit de l’intérêt général, je m’efforce toujours de devancer l’opinion publique ; mais je la suis lorsqu’il s’agit d’un intérêt qui peut sembler personnel. »

Le prince président se rendit par Moulins et Roanne à Saint-Etienne. A Roanne, on lisait sur trois arcs de triomphe les trois inscriptions suivantes : La ville de Roanne se donne à Louis-Napoléon, 17 septembre 1852 ; — A Louis-Napoléon le cœur de la ville de Roanne ; — Prince, nos vœux et nos cœurs vous accompagnent. Saint-Etienne montra encore plus de précision dans ses vœux : Ave, Cœsar, imperator, telle est la devise que l’on remarquait à la porte de la ville.

A Lyon, une cérémonie nationale, l’inauguration d’une statue équestre de l’empereur, avait été réservée pour le passage du prince. Cette circonstance ajouta peut-être encore à la curiosité des populations qui encombraient la ville. C’était la première fois depuis son départ de Paris que Louis-Napoléon se trouvait au milieu d’un grand centre manufacturier, parmi des masses industrielles, et ces masses, on ne le sait que trop, avaient été profondément travaillées naguère par le socialisme. Les ouvriers du quartier d’ordinaire le plus turbulent de la seconde ville de France, celui de la Croix-Rousse, envoyèrent au président une députation chargée de lui porter des vœux pour le rétablissement de l’empire. L’événement le plus grave auquel donna lieu le passage du prince-président à Lyon, ce fut toutefois le discours qu’il prononça à l’occasion de l’inauguration de la statue équestre de l’empereur, et dans lequel il laissait voir, sous une forme habile et réservée, quelle était la pensée du neveu de Napoléon, avec quels sentimens il recevait les cris qui le saluaient césar. Ce discours, surtout si on le rapproche de celui que le prince devait prononcer plus tard dans une autre grande ville du midi, est un des actes qui ont le plus Influé sur le mouvement d’opinion d’où est sorti l’empire. C’est une nécessité historique d’en recueillir le texte même :

« Lyonnais, dit le prince-président, votre ville s’est toujours associée par des incidens remarquables aux pbases différentes de la vie de l’empereur : vous l’avez salué consul, lorsqu’il allait par-delà les monts cueillir de nouveaux lauriers ;