Page:Annuaire des deux mondes, 1852-1853.djvu/68

Cette page n’a pas encore été corrigée

et la vieille et sombre ville, illuminée le soir, présentait une animation inaccoutumée.

En France toutefois, il n’est point de fête complète, si elle n’est relevée par quelque spectacle militaire. Aussi le lendemain les Strasbourgeois eurent-ils une revue de toute la garnison et le simulacre d’un passage forcé sur le petit Rhin, suivi, à une autre heure de la journée, d’une joute nautique. Les réjouissances se prolongèrent jusque dans la nuit du 19 au 20, et se terminèrent par un bal brillant où le prince-président fut constamment l’objet du zèle le plus empressé. Le 20, il allait faire une courte excursion à Bade, en compagnie de la grande-duchesse Stéphanie, et il revenait quelques jours plus tard à Paris, où l’attendait une réception officielle, moins éclatante toutefois que celle qui plus tard devait célébrer le retour du voyage du midi.

Dans l’intervalle de ces deux grandes expériences, le prince avait distribué les aigles à la garde nationale de Paris, assemblée pour la première fois en corps depuis sa réorganisation, et, sans rencontrer d’enthousiasme, il avait trouvé partout des sentimens qui excluaient toute pensée d’opposition.

Le voyage du midi devait avoir un caractère exclusivement politique. Aucun autre intérêt ne couvrait la pensée réelle du président de la république, qui était d’interroger les populations et de connaître le jugement qu’elles portaient sur l’origine et sur l’avenir de son pouvoir. Se proposant ce but, il y avait incontestablement de la hardiesse à s’adresser de préférence aux populations du midi, très impressionnables à la vérité, mais fort engagées naguère dans les fantaisies démagogiques ou dans les ressouvenirs légitimistes, et en somme moins favorablement disposées peut-être pour le rétablissement de l’empire que pouvaient l’être celles de l’est ou du nord. Cette hardiesse fut toutefois couronnée d’un plein succès. Ce sont les populations du midi, naguère encore, incertaines dans leurs opinions, qui accueillirent les premières avec ardeur l’idée de l’empire et qui en précipitèrent l’avènement.

Le prince-président quitta Paris le 14 septembre, escorté de Saint-Cloud jusqu’à l’embarcadère du chemin de fer d’Orléans par les officiers de la division de cavalerie. Le prince arriva le soir même à six heures à Bourges, où était accourue une partie des populations du Berri. Cette première réception n’eut point encore tout l’entrain de celles qui devaient suivre. La vieille capitale de la France du centre avec ses souvenirs monarchiques gardait en présence du gouvernement nouveau qui se préparait une réserve que ne faisait point oublier l’empressement des populations des campagnes. Déjà cependant le cri de vive l’empereur ! se mêlait au cri de vive