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et c’est en voyant éclater les témoignages de ces sympathies qu’il devait s’affermir dans la pensée de faire un nouveau pas dans la voie où il était entré le 2 décembre, de couronner cet acte par le rétablissement de l’empire.

L’inauguration de la ligne de fer de Paris à Strasbourg offrait au prince-président une occasion d’aller interroger les sentimens des populations de l’Alsace, où, dans un premier voyage, en 1850, il avait rencontré un favorable accueil, mêlé pourtant de quelques démonstrations moins amicales. On ne pouvait souhaiter une circonstance plus heureuse et plus solennelle. Toutes les considérations se trouvaient réunies pour donner de l’importance à la grande ligne qui allait être livrée à la circulation. Par son étendue, elle dépassait toutes celles qui avaient encore été construites en France. Par sa direction topographique, son point de départ, son point d’arrivée et ses embranchemens déjà établis ou projetés, elle reliait Paris à l’Allemagne et l’Allemagne à l’Océan. L’achèvement de cette voie, décidée par une loi du 21 juin 1842 et si lentement exécutée, pouvait donc être considéré comme un véritable événement national. L’Allemagne elle-même devait s’associer à la satisfaction que cet événement occasionnait. Si, du point de vue de la stratégie et de la défense militaire, elle apercevait quelques inconvéniens dans l’existence d’une voie qui mettait le Rhin à douze heures de Paris, ces inconvéniens, qui, après tout, ne sont à considérer que dans les temps de guerre, temps heureusement exceptionnels, disparaissaient devant l’idée de la paix, devenue l’état normal des peuples. Le commerce allemand y trouvait des facilités nouvelles, le moyen le plus direct et le plus rapide d’atteindre à cet Océan, qui est le grand théâtre de l’activité mercantile des peuples modernes. Enfin les liens plus étroits que la confédération germanique contractait par là avec la France devenaient eux-mêmes une garantie de l’amitié des deux nations, et éloignaient ces cas d’hostilité où le chemin de Strasbourg pourrait servir la stratégie des troupes françaises. L’inauguration de cette grande voie de communication était donc plus qu’un événement national, et à côté du juste orgueil que déployait la France à cette occasion, il y avait place aussi pour ces sentimens pacifiques qui rapprochent les nations et font entrer la fraternité dans les rapports des peuples.

C’est le 17 juillet que le prince-président quitta Paris pour se rendre à Strasbourg ; un grand nombre de hauts fonctionnaires devaient l’accompagner. Ceux qui n’y étaient point appelés voulurent du moins ajouter par leur présence à la solennité du départ. La curiosité des populations avait été vivement excitée à l’avance par l’annonce de cette cérémonie. Sur tout le parcours de la ligne, elles