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domestique, on ne pouvait s’étonner davantage de trouver au milieu des vœux que le prélat formait pour la pacification de la société le mot de clémence. Il ne contestait toutefois ni le rôle social que l’armée conservait au dedans, ni la mission patriotique qu’elle pouvait encore ambitionner au dehors, et appelant la bénédiction de Dieu sur ces étendards, « qu’ils renferment, disait-il, dans leurs plis glorieux la paix et la guerre pour la sécurité des bons et la terreur des méchans, et qu’à leur ombre la France respire et soit pour le bonheur du monde la plus grande et la plus heureuse des nations ! » Cette journée se passa en définitive avec autant de calme que d’ordres. Les cris de vive Napoléon furent nombreux, ceux de vive l’empereur furent aussi très fréquemment entendus dans l’armée et dans la foule. Toutefois le moment n’était point encore venu où ils devaient dominer et exclure tous les autres. L’armée était prête à saluer dans le prince-président le nouvel empereur ; mais il importait trop que le mouvement partit du sein de la société civile pour que l’on voulût s’abandonner à l’impulsion de l’armée et travailler à l’empire autrement que par les moyens légaux définis dans la constitution du 14 janvier 1852.

Ainsi s’était accomplie la solennité à laquelle le prince-président faisait allusion en fermant la première session du corps législatif. Tel est le spectacle instructif dont il recommandait aux députés d’emporter le souvenir et de propager l’impression parmi les populations. L’opinion des départemens n’avait pas besoin d’être excitée. Bientôt on allait voir ceux de l’est et du midi prendre l’initiative du mouvement qui devait plus lard décider l’avènement de l’empire.


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(1) Ces deux mots sont en italiques dans le journal officiel.
(2) Dans la discussion du budget des recettes (séance du 26 juin), M. de Montalembert formula une protestation catégorique contre les décrets du 22 janvier 1852. Nous devons d’autant moins omettre cette protestation, qu’elle est conçue dans les termes les plus vifs, et que M. de Montalembert a cru apercevoir un parti pris d’injustice dans le silence de l’Annuaire de 1851 sur les sentimens qu’il avait montrés dès le 23 janvier en se retirant de la commission consultative instituée le 3 décembre. Nous verrons en 1853î M. de Montalembert poursuivre la même pensée d’une protestation dans le débat du budget de 1854.


II – Les départemens et le prince-président

Inauguration du chemin de fer de Strasbourg. — Voyage du président dans le midi. — Mise en liberté d’Abd-el-Kaker.

C’est un fait désormais acquis à l’histoire, que le gouvernement 18su du 2 décembre 1851 s’est établi avec plus de facilité dans les départemens que dans la ville centrale où toutes les opinions politiques ont leur foyer, et où la dialectique des chefs de parti exerce le plus sûrement son empire. Là, point de théories, peu de raisonnemens : le meilleur gouvernement est celui qui parle le mieux aux imaginations, si d’ailleurs il n’est point contraire au libre essor des intérêts matériels. C’est donc dans les départemens, fermés même à l’opposition sourde, aux bruits défavorables, qui, par une conséquence naturelle, se réfugient dans les réunions privées de Paris quand la presse leur est interdite, c’est dans les départemens que le prince Louis-Napoléon était assuré de rencontrer le plus de sympathies,