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l’image de Dieu présente au haut de l’autel. Cela veut dire qu’il y a en France un gouvernement animé de la foi et de l’amour du bien, qui repose sur le peuple, source de tout pouvoir ; sur l’année, source de toute force ; sur la religion, source de toute justice. »

Dans ce message, accueilli très favorablement par le corps législatif et fort applaudi pour les sentimens de conciliation et les promesses qu’il exprimait, le prince Louis-Napoléon avait fait allusion à une grande fête militaire qui commençait la série de ces manifestations au milieu desquelles peu à peu L’empire allait se former comme la conséquence naturelle du nouvel état de choses. Le 10 mai, les aigles avaient été distribuées à l’armée. D’immenses préparatifs avaient été faits pour cette solennité. Au Champ-de-Mars, on avait construit une chapelle ouverte de dix-huit mètres de largeur sur vingt-cinq de haut, soutenue par huit colonnes cannelées avec chapiteaux corinthiens, dominée par un dôme doré, et au milieu de laquelle s’élevait un autel d’une grande magnificence. Autour de ce monument improvisé, sur toute la surface de ce vaste champ de manœuvres, témoin aussi de toutes les grandes fêtes militaires de notre histoire, l’armée de Paris tout entière déployait ses bataillons et ses escadrons, au milieu desquels les régimens absens étaient représentés par des colonels ou des chefs de bataillon. Dans des tribunes décorées avec élégance, les grands dignitaires de l’état, le corps diplomatique et la société privilégiée assistaient à ce curieux et rare spectacle d’une réunion de près de soixante mille hommes, et la foule qui se pressait sur les talus et aux abords du Champ-de-Mars pour saisir un coin du tableau ajoutait encore à ce qu’il avait par lui-même d’imposant. L’archevêque de Paris avait été invité à bénir les drapeaux qui allaient être distribués ; mais ce qui avait pardessus tout attiré en cette circonstance l’attention des spectateurs, c’étaient les délégués, des troupes indigènes de l’Algérie, les chefs arabes qui, rassemblés en escadron, fermaient le cortège du président de la république lorsqu’il entra au Champ-de-Mars, et venaient attester, par leur présence à cette solennité, la puissance des armes françaises. La curiosité publique devait toutefois se concentrer principalement sur celui qui était le promoteur de cette grande manifestation et qui lui imprimait le cachet de sa pensée, sur le prince Louis-Napoléon. Des bruits répandus et accueillis par la crédulité tendaient à faire croire que la distribution des aigles serait l’occasion de quelque démonstration prétorienne qui précipiterait l’avènement de l’empire. Le journal officiel avait cru devoir réfuter ces propos, ajoutant que si l’empire devait être rétabli, la démonstration dont on parlait ne le hâterait pas d’une heure. Les gens sensés connaissaient trop la prudence patiente du prince-président pour croire qu’il voulût tenir