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même jour (30 mars 1852). Le président du sénat, le prince Jérôme Bonaparte, l’ancien roi de Westphalie et le dernier survivant des frères de l’empereur, prononça devant les sénateurs un discours approprié à la circonstance, et dans lequel les idées de république et d’empire, associées par la force même des choses, reproduisaient assez fidèlement la double influence qui dominait la situation. Le prince Jérôme commençait par proclamer la toute-puissance du suffrage universel. « Le suffrage universel, disait-il, a inauguré une ère nouvelle. En dehors du suffrage universel, rien de stable n’a pu être fondé. La base du pouvoir du premier consul et de l’empereur était si solide que pour l’ébranler il a fallu la coalition des souverains de toute l’Europe puissamment aidés par la trahison, et encore malgré cela, codes, systèmes administratifs et financiers, institutions judiciaires et religieuses, sont restées debout. L’unité nationale a été maintenue malgré l’étranger, malgré l’action dissolvante des vieux partis. En 1848, la nation, rentrée dans l’exercice de sa souveraineté, a proclamé la république ; mais, quand il a fallu l’organiser, le nom de Napoléon s’est offert à la pensée de l’immense majorité. Avec son instinct merveilleux, le peuple a compris que ce nom était la puissante personnification de ce qu’il a toujours recherché, l’ordre et la liberté (1) ; au dedans l’indépendance, et la grandeur nationale au dehors. Il a compris qu’en acclamant ce nom pour la quatrième fois, il se grandissait lui-même et se vengeait des malheurs et des trahisons de notre dernier champ de bataille. La politique du prince qui porte si dignement ce nom ne pouvait convenir aux vues étroites et passionnées de tous les partis exclusifs. Aussi les coalitions les plus monstrueuses se sont formées contre lui. Elles ont voulu s’opposer à la libre manifestation du vœu national. C’est alors que, fort de sa conscience, de ses patriotiques intentions, l’œil fixé sur son immortel modèle, l’élu de six millions de suffrages s’est résolument dévoué pour faire respecter le vrai, le seul souverain que nous reconnaissons tous, le peuple. » Telle était, selon le prince Jérôme, la raison de l’appel que le prince Louis-Napoléon avait adressé au peuple le 2 décembre. La France avait répondu une seconde fois d’une manière plus imposante encore que la première. Elle avait senti que le neveu de l’empereur devait avoir une bien vive appréhension sur notre avenir pour prendre une si audacieuse initiative. Aussi, non-seulement le peuple l’avait absous, mais il lui avait abandonné jusqu’au pouvoir constituant. « Louis-Napoléon, continuait le président du sénat, n’a pas voulu improviser une constitution ; il a voulu qu’elle fût la conséquence de l’état de notre société, et non le